Paris, une capitale européenne à haut risque en cas de canicule

Même si Paris n’a pas encore été confrontée à une vague de chaleur importante cet été, la ville a conscience du chemin qu’elle doit encore faire pour protéger ses habitants. Ils ont en effet plus de risques de mourir en cas de canicule que les résidents des autres capitales européennes, selon une étude publiée dans The Lancet.

Dans un an, Paris sera la capitale du monde à l’occasion des Jeux olympiques 2024. La France, et le chef de l’État en tête, espère bien profiter de l’événement pour mettre en valeur la Ville Lumière, avec notamment une cérémonie d’ouverture sur la Seine qui devrait faire date. Mais un élément que ne contrôlent pas les organisateurs pourrait venir gâcher la fête : une vague de chaleur intense.

Paris est la capitale européenne où les habitants ont le plus de risque de mourir en cas de canicule, selon une étude publiée en avril 2023 dans le journal scientifique The Lancet.

De 2000 à 2019, des chercheurs de différents pays européens ont étudié les risques de mortalité liés à la chaleur et au froid dans 854 villes. Les résultats sont sans équivoque : Paris est en tête de liste concernant les risques liés à la chaleur dans tous les groupes d’âge, avec une probabilité de surmortalité due à l’augmentation des températures 1,6 fois plus élevée que dans les autres villes européennes. Amsterdam et Zagreb suivent de près.

Et l’augmentation constante des températures en raison du changement climatique va aggraver la situation : Paris pourrait atteindre des températures allant jusqu’à 50 °C d’ici 2050.

Les raisons expliquant la vulnérabilité de Paris sont multiples. « Isoler des facteurs spécifiques est difficile », explique Pierre Masselot, auteur de l’étude et chercheur à l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres. « La taille et la densité de la ville contribuent clairement au risque accru », explique-t-il, ajoutant qu’avec une population de plus de 2 millions d’habitants, les effets des vagues de chaleur sont amplifiés.

« Paris étant une grande ville, elle a aussi davantage d’habitants de milieux populaires », ajoute Pierre Masselot. Or, les quartiers défavorisés, où l’accès aux espaces verts, à l’ombre et à l’air conditionné est plus limité, subissent de plein fouet les vagues de chaleur. « Si on ajoute à cela le fait que ces populations ont davantage de problèmes de santé, on comprend vite pourquoi elles sont particulièrement à risque », précise le chercheur.

La canicule de 2003
L’effet d' »îlot de chaleur urbain » (ICU) aggrave la situation. Il s’agit de dômes d’air chaud où la température est plus élevée que dans les zones rurales environnantes, principalement en raison de la présence de bâtiments et de matériaux qui absorbent et retiennent la chaleur. Les célèbres toits gris de Paris en sont un exemple. Bien que vénérés par des peintres comme Vincent van Gogh ou mis en avant dans le clip de promotion de Paris-2024, ces toits sont en zinc – un métal qui absorbe la chaleur. « Il en va de même pour le bitume, qui stocke puis libère de la chaleur, ce qui rend plus difficile le rafraîchissement de la ville la nuit. Et la présence de nombreux bâtiments bloque le vent », explique Pierre Masselot.

Bien que l’effet d’ICU puisse transformer Paris en véritable chaudron, il existe des disparités de température d’un quartier à l’autre. « Si vous passez d’une zone industrielle dense à un parc, par exemple, vous pouvez ressentir une baisse significative de température », souligne Pierre Masselot.

La pollution joue également un rôle significatif lors des vagues de chaleur. Principalement générée par les émissions des véhicules, la pollution de l’air crée un effet de serre qui emprisonne la chaleur et intensifie encore plus des températures déjà extrêmes. « Les gaz d’échappement sont plus sombres et réduisent ainsi l’effet albédo [le pouvoir de réflexion des différentes surfaces exposées à la lumière du soleil] de la ville, entraînant un stockage plus important de la chaleur », détaille le chercheur.

Enfin, Paris manque d’expérience en la matière, contrairement à d’autres villes européennes comme Madrid. « Les villes habituées aux vagues de chaleur se sont déjà adaptées. À Madrid, le risque de mortalité y est légèrement plus faible qu’à Paris à température égale », note Pierre Masselot.

L’été 2003 a toutefois permis aux autorités d’ouvrir les yeux. Toute l’Europe avait été balayée par une vague de chaleur d’une ampleur sans précédent et causant un nombre considérable de morts. Plus de 70 000 personnes furent tuées en raison de la canicule, dont plus de 15 000 en France, avec des températures à Paris dépassant les 40 °C plusieurs semaines d’affilée.

Le système de santé fut débordé, les hôpitaux ayant du mal à faire face à l’afflux de patients souffrant de coup de chaleur et de déshydratation. Et malgré l’état d’urgence déclaré, permettant d’envoyer les patients dans des hôpitaux militaires, les personnes âgées furent les premières touchées. La moitié des personnes décédées en raison de la chaleur avaient plus de 85 ans et 92 % des victimes vivaient isolées, pour beaucoup sans famille ou ami pour venir récupérer leur corps à la morgue.

Lancement d’un Plan Climat
« Cela a ouvert les yeux de beaucoup de gens. Ça a été un tournant pour tout le continent », estime Pierre Masselot. Certains climatologues ont même qualifié la canicule de 2003 de « Ground Zero du réchauffement climatique ».

L’ampleur de la tragédie a obligé les autorités à prendre des mesures visant à protéger la population. Depuis, la ville de Paris a mis sur pied un plan pour prévenir et gérer les risques de canicule. Elle a notamment instauré le fichier REFLEX qui permet aux Parisiens les plus vulnérables d’être suivis et accompagnés lors des périodes de fortes chaleurs. Des îlots de fraicheur dans les musées, les bibliothèques, les piscines ou les espaces verts ont également été créés ou identifiés.

Un Plan Climat a par ailleurs été lancé en 2007 et actualisé en 2012 puis 2018. Réduire la circulation automobile pendant les canicules fait partie de la stratégie. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a promis qu’en 2030, la police empêcherait les véhicules les plus polluants de circuler pendant les périodes de chaleur extrême.

Le plan aborde un autre sujet majeur : la rénovation thermique des bâtiments. Le but est d’améliorer leur isolation et leur ventilation, de modifier les directives de construction pour qu’elles soient adaptées aux conséquences du changement climatique, en prenant notamment en compte l’augmentation des températures estivales. Il vise également à transformer les toits parisiens, en précisant qu’à l’horizon 2050, tous les toits devront « produire au moins une » des ressources suivantes : de l’énergie renouvelable grâce à des panneaux solaires, de la nourriture via l’agriculture urbaine ou de l’eau par le biais de la collecte et du stockage des eaux de pluie.

« À court terme, il serait important que les autorités de santé publique identifient les personnes à risque [de décès dû à une canicule] afin de les informer en amont des températures élevées imminentes et qu’elles puissent trouver des solutions pour se rafraîchir, juge Pierre Masselot. À long terme, les villes auront besoin de plus d’espaces verts, de moins de bitume, mais aussi de rénover leurs bâtiments pour qu’ils gardent moins la chaleur, participent à réduire la pollution et qu’ils conviennent aux populations les plus vulnérables. »

Même si Paris a déjà engagé de nombreuses mesures, l’urgence est là. « Il y aura de plus en plus de canicules à l’avenir et elles seront de pire en pire, poursuit Pierre Masselot. Les villes doivent se préparer le plus vite possible. »

france24

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