Une exposition répétée à des taux élevés de pollution de l’air augmenterait les risques de maladies neurodégénératives. Une étude française corrobore ce postulat suggérant qu’une exposition à des concentrations élevées de polluants au cours du temps accélérerait le vieillissement oculaire.
La pollution de l’air a de nombreux effets délétères connus sur le système cardiovasculaire, respiratoire et sur le système nerveux central. Mais aussi sur le système visuel. C’est ce qu’ont mis en évidence des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux dans une étude épidémiologique publiée dans la revue Environmental Resarch.
Le glaucome, une maladie qui touche 10% des plus de 70 ans
Les chercheurs se sont penchés sur la couche des fibres nerveuses de la rétine (RNFL), qui fait partie du système nerveux central. La rétine est une fine membrane qui tapisse le fond de nos yeux dont l’état est un indicateur précieux de la santé du système nerveux central. L’amincissement progressif de la RNFL est caractéristique du glaucome, une maladie neurodégénérative qui touche le nerf optique, le plus souvent causée par une pression trop importante à l’intérieur de l’œil.
D’après l’Inserm, c’est la deuxième cause de cécité dans les pays développés, après la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Les traitements contre le glaucome servent surtout à limiter la progression de la maladie, mais de plus en plus de traitements curatifs se développent.
Les analyses des chercheurs ont été réalisées avec des données issues de l’étude Alienor. Ces informations ont été récoltées entre 2009 et 2020 sur un échantillon de 683 individus âgées de 75 ans ou plus. En parallèle, l’exposition de ces participants à la pollution atmosphérique a été calculée en mesurant la quantité de particules fines estimée à leur adresse résidentielle.
Tous les participants font partie de la Communauté Urbaine de Bordeaux (devenue Bordeaux Métropole en 2015), une collectivité locale qui regroupe 28 communes réparties sur les deux rives de la Garonne.
Pollution atmosphérique et particules fines, de quoi parle-t-on ?
La pollution atmosphérique est un mélange de gaz et de particules en suspension dans l’air. Les particules fines sont des particules de diamètres inférieurs à 2,5 micromètres ou microns (µm). On les appelle souvent PM2,5. Les particules fines, le carbone noir et le dioxyde d’azote (NO2) sont émis principalement lors des phénomènes de combustion (moteurs à essence et diesel, freinage du métro, chauffage au bois…), notamment lors de la combustion incomplète de combustibles fossiles.
En 2021, l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) estime que sept millions de décès annuels sont attribuables aux effets de la pollution de l’air. L’OMS recommande de maintenir un niveau de qualité de l’air tel qu’il ne faudrait pas dépasser des concentrations de 5 µg/m3 pour les PM2,5 et 10 µg/m3 pour le NO2. Ces seuils de l’OMS sont bien plus bas que ceux de l’Union Européenne (25 µg/m3 pour les PM2,5 et 40 µg/m3 pour le NO2).
L’exposition à des niveaux élevés de particules fines est associée à un vieillissement oculaire
Cette étude de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux démontre un lien fort entre exposition à la pollution de l’air et changements de l’épaisseur de la RNFL. Au début de ces travaux, les patients étaient en moyenne âgés de 82,3 ans et l’épaisseur de leur RNFL était en moyenne de 90 microns.
En 11 ans, les participants vivants dans les quartiers de la périphérie bordelaise où la concentration en particules fines est de 25 µg/m3 avaient une diminution plus rapide de l’épaisseur de cette couche, en comparaison à ceux vivants dans des zones avec des taux de 20 µg/m3. Les résultats suggèrent que l’exposition à la pollution de l’air, en particulier l’exposition aux particules fines, est fortement associée à un amincissement accéléré du RNFL équivalent à un vieillissement oculaire d’une année entière.
De plus, l’étude révèle que les niveaux de pollution atmosphérique par les particules fines ont diminué au long de l’étude. Mais s’ils étaient bien dans les normes européennes, ils étaient en permanence fortement supérieurs aux taux recommandés par l’OMS.
« Les résultats de cette étude confirment les observations précédentes sur les effets de la pollution atmosphérique sur les processus neurodégénératifs, ici au niveau oculaire. Ils constituent un argument supplémentaire en faveur de la baisse des seuils réglementaires européens, comme recommandé par l’OMS, ainsi que de la diminution de l’exposition effective de la population française, qui continue de dépasser par endroit les seuils réglementaires actuels », résume Laure Gayraud, doctorante en épidémiologie et première auteure de l’étude, dans un communiqué de presse.
Même lorsque les niveaux de pollution atmosphériques sont inférieurs aux seuils actuellement recommandés par l’Europe, l’exposition répétée aux particules fines accentue la neuro-dégénération de la rétine. Il est nécessaire de comprendre les causes de maladies neurodégénératives comme le glaucome. En effet, en France, bien qu’on estime que 800.000 personnes sont traitées pour un glaucome, près d’un demi-million en souffrent sans le savoir.
afp