Billy Costello s’approche du ponton. Il est prêt, dans sa combinaison de plongée, bouteille d’oxygène sur le dos et masque à la main. Il a aussi enfilé ses palmes, y compris la droite, attachée à la prothèse qui remplace sa jambe. Une impulsion, et il plonge.
La collaboration lancée en 2011 entre le laboratoire et l’association d’anciens combattants Combat Wounded Veteran Challenge (CWVC) est bénéfique pour tous: ces militaires participent à la restauration de cet écosystème menacé et se font du bien au passage.
Le soldat Costello, âgé de 41 ans, se jette dans les flots pour rejoindre l’équipe, à 800 mètres de la rive. Il semble dans son élément. Et pour cause, c’est un ancien plongeur des forces spéciales américaines.
En 2011, sa jambe droite a été arrachée par un engin explosif, déclenché sur le bord d’une route d’Afghanistan.
– Stress post-traumatique –
L’association de vétérans pousse ses membres à s’impliquer dans des activités exigeantes comme celle-ci, afin de permettre à des scientifiques d’observer leurs progrès, et de récolter de précieuses données.
Celles-ci aideront ainsi à améliorer la prise en charge des soldats atteints de stress post-traumatique ou de traumatismes crâniens et d’optimiser aussi la prise en charge orthopédique.
« J’ai escaladé des montagnes avec eux et j’ai plongé dans les profondeurs de l’océan », raconte Billy Costello. « Ils ont joué un rôle crucial dans ma guérison, en m’aidant à prendre conscience de ce dont je serais capable ».
Le directeur exécutif du laboratoire Michael Crosby est fier de cette initiative, qui se tient une semaine par an.
Il met un point d’honneur à être là pour chaque session, avec « ces hommes et ces femmes qui ont tant sacrifié pour leur pays ».
La mission confiée au groupe de 31 vétérans en cette chaude matinée de juillet consiste à « planter » du corail.
Carte en main, ils plongent jusqu’au récif, à quatre mètres de profondeur, guidés par un membre du labo. Au fond de la mer, des caisses compartimentées contenant du corail vivant les attendent. Après avoir nettoyé la paroi rocheuse, ils la couvrent d’une résine et viennent y coller, avec délicatesse, les fragments de corail.
– « Bénédiction » –
Selon le laboratoire, les récifs coralliens de Floride se sont dégradés à vive allure en quelques décennies: près de 30% de la surface des récifs coralliens étaient recouverts de coraux vivants il y a 40 ans, contre 1 à 5% aujourd’hui.
En une heure, 1.400 morceaux de coraux, sélectionnés pour leur résistance à la hausse des températures, à l’acidification des océans et aux maladies, ont été posés.
Ces microfragments de corail ont tous le même génotype particulièrement résistant et sont plantés sur une surface réduite. En grandissant, leurs tissus s’entremêlent pour former une colonie capable de grandir 40 fois plus vite que d’ordinaire.
« En deux, trois ans, nous aurons cultivé des coraux aussi grands que s’ils avaient 50 ans, qui seront ensuite capables de se reproduire par eux-mêmes », assure Michael Crosby, qui espère qu’ils survivront longtemps.
De retour au port, Billy Costello est ravi. « C’est une bénédiction, d’avoir l’opportunité d’aider ces gars à reconstituer le récif », se réjouit-il.
Et même si sa prothèse, qu’il compare à une enclume, rend ses mouvements plus compliqués sous l’eau, il a vraiment pris du plaisir.
« C’est super pour le corps et l’esprit. Surtout de côtoyer un groupe de vétérans qui ont vécu des situations très similaires et ont déjoué les pronostics en guérissant de façon si positive », dit-il. « C’est contagieux, et nous nous unissons pour faire ces choses et montrer qu’on a beau être blessés, on n’est pas vaincus. »
AFP