En pleine sécheresse, l’Uruguay s’inquiète de l’usage de ses ressources en eau alors que Google projette la construction d’un data-center très gourmand en eau. En toile de fond, une question cruciale : comment répartir cette ressource vitale entre les besoins des citoyens et ceux des grandes industries ?
Google a l’intention de construire un centre de données à Canelones, au sud de l’Uruguay, une infrastructure qui nécessiterait pas moins de 7,6 millions de litres d’eau par jour pour refroidir ses serveurs. Cette consommation équivaudrait à l’usage quotidien de 55.000 personnes. L’eau proviendrait directement du réseau d’eau potable public, selon les informations obtenues par Daniel Pena, chercheur à l’Université de la République de Montevideo, suite à une action en justice.
Le centre de données tombera-t-il à l’eau ?
Ce projet intervient dans un contexte particulièrement sensible : l’Uruguay fait face à sa pire sécheresse en 74 ans. Les pénuries sont si sévères que l’état d’urgence a été déclaré à Montevideo. Pour pallier le manque d’eau, les autorités ont dû ajouter de l’eau salée à l’approvisionnement en eau potable, déclenchant de vives protestations.
Selon certains critiques, le gouvernement uruguayen favoriserait l’eau pour les multinationales et l’agro-industrie au détriment de ses propres citoyens. Plus de 80 % de l’eau du pays serait destinée à l’industrie, notamment pour des cultures intensives comme le soja, le riz et la pâte à papier. La situation est d’autant plus tendue que l’Uruguay est le premier pays du monde à avoir déclaré que l’accès à l’eau était un droit constitutionnel. Avec un PIB par habitant le plus élevé d’Amérique du Sud, le pays s’est retrouvé dans une situation inconfortable, où l’eau du robinet a un goût salé et où le gouvernement a dû doubler les niveaux autorisés de chlorure de sodium dans l’eau du robinet…
Le pays a dû prendre des mesures d’urgence, comme la suppression des taxes sur l’eau en bouteille et la distribution gratuite d’eau à certaines familles vulnérables. Mais l’opinion publique reste indignée. Selon Carmen Sosa de la Commission pour la défense de l’eau et de la vie, soutenue par les syndicats, environ 500.000 personnes ne peuvent pas se permettre d’acheter de l’eau en bouteille.
Google a indiqué que le projet était encore en phase exploratoire et que les chiffres initiaux concernant la consommation d’eau pourraient être ajustés. De son côté, le ministère de l’Industrie de l’Uruguay a déclaré que ces chiffres étaient obsolètes, car l’entreprise révisait ses plans et que le data-center serait de taille réduite. Alors que l’Uruguay doit gérer une ressource de plus en plus rare, la question de l’usage et de la distribution de l’eau entre les différentes industries et la consommation humaine demeure un enjeu majeur, que le pays devra résoudre face à l’urgence de la situation.
The Guardian