Législatives en Espagne: malgré la défaite, «un pari réussi» pour Pedro Sanchez

Les sondages prédisaient une large victoire des conservateurs espagnols aux élections législatives dimanche. C’est une victoire, mais loin d’être aussi écrasante que prévu avec seulement 136 sièges. Et même en cas d’alliance avec le parti d’extrême droite, Vox, ça ne suffit pas pour une majorité absolue. Des tractations commencent pour éviter de nouvelles élections.

Benoît Pellistrandi, historien et spécialiste de l’Espagne, est l’auteur du livre Les fractures de l’Espagne, sorti l’an dernier.

RFI : C’est le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez qui avait convoqué ce scrutin après la déroute de son parti aux élections locales fin mai, il avait fait le pari d’un résultat différent pour ces législatives. Pari en partie réussi ?

Benoît Pellistrandi : Oui, le pari est complètement réussi parce que personne ne s’attendait à ce que le Parti socialiste, non seulement résiste, mais gagne deux sièges – ce n’est pas beaucoup, il passe de 120 à 122 –, mais il gagne quand même un million de voix supplémentaires par rapport au scrutin de 2019. Et en effet, cela n’a rien à voir avec le résultat obtenu il y a moins de deux mois lors des élections municipales et régionales.

Ce qui est très important aussi, c’est que Pedro Sanchez a consolidé de manière absolument définitive son leadership au sein du Parti socialiste, alors même qu’au soir des résultats du 28 mai dernier, il y avait quand même des voix critiques qui disaient que peut-être Pedro Sanchez n’était pas le bon candidat. Il est clair que, désormais, le Parti socialiste ouvrier espagnol est le parti de Pedro Sanchez qui a plus que jamais le contrôle de l’appareil.

À droite, le Parti populaire est en tête, mais sans majorité absolue. Le leader du parti Alberto Nuniez Feijoo revendique le droit de former un gouvernement. Mais est-ce qu’il en a les moyens ?

Sans doute pas. Il a en effet largement gagné les élections. Il gagne 3 millions de voix supplémentaires par rapport à 2019. Cela augmente le nombre de ses députés passant de 89 à 136. Mais en mettant tous les partis qui pourraient soutenir son investiture, il n’arrive qu’à 171 voix. Alors, il reste une toute petite hypothèse, vraiment infinitésimale, qui serait le soutien du Parti nationaliste basque qui est le parti de la bourgeoisie basque, qui est plutôt de centre-droit. Mais cela paraît très peu vraisemblable que ces Basques-là choisissent d’associer leur voix à un soutien avec Vox.

Donc, il est clair qu’Alberto Nuniez Feijoo a raté son pari. Il avait demandé aux Espagnols de lui donner une majorité confortable pour pouvoir gouverner seul et sans blocage. Il va essayer de le faire, mais c’est sans doute pour montrer qu’il veut encore maintenir le contrôle du Parti populaire, mais il a clairement raté son pari.

Vox, le parti d’extrême-droite, remporte 33 sièges, soit 20 sièges de moins qu’avant. Comment l’expliquer ?

C’est le phénomène du vote utile à droite. Ne l’oublions pas, en 2019, la droite est éclatée en trois formations : le Parti populaire (parti historique), les centristes de Ciudadanos et Vox. Les centristes de Ciudadanos ont été finalement absorbés de nouveau par le Parti populaire. Et donc, Alberto Nuniez Feijoo a réussi à faire re-rentrer dans la maison des droites traditionnelles les électeurs du centre. Mais il n’a pas réussi à faire revenir les électeurs radicalisés et qui sont en fait une réaction aux politiques progressistes ou de concession aux nationalistes qui affectent le gouvernement de Pedro Sanchez lors des quatre dernières années.

Il est clair qu’on observe un phénomène de radicalisation, mais un phénomène de radicalisation qui n’a pas supposé une dynamique victorieuse pour Vox, puisqu’il est à 600 000 voix, vingt députés, et ils ne sont absolument pas décisifs pour permettre la formation d’un gouvernement à droite. Donc, il compte assez peu maintenant.

RFI

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