«L’insécurité alimentaire en Afrique de l’Est s’élève à un niveau record»

Chefs d’État, hauts responsables, experts ou encore jeunes représentants de la société civile se réunissent tous, à partir de ce lundi 24 juillet, à Rome, pour le deuxième sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires. Un sommet qui intervient alors que 783 millions de personnes dans le monde sont touchées par l’insécurité alimentaire, plus d’un tiers – 281 millions – se trouve sur le continent africain où la situation demeure critique.

Alessandro Constantino, économiste à l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, revient sur les enjeux de ce sommet pour le continent africain.

RFI : Quels sont les enjeux de ce sommet pour l’Afrique ?

Alessandro Constantino : Actuellement, l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Est s’élève à un niveau record. Cela est dû à la sécheresse prolongée. L’enjeu de ce sommet est différent pour chaque pays. Pour les nations développées, l’objectif sera d’essayer d’éliminer l’obésité. Pour l’Afrique, la priorité, c’est de trouver des solutions pour renforcer la résilience alimentaire face aux chocs climatiques et d’essayer d’utiliser efficacement les ressources qui, malheureusement, ne sont pas suffisantes.

Quels sont les défis rencontrés par les systèmes alimentaires dans la Corne de l’Afrique, en particulier ?

La Corne de l’Afrique est confrontée à deux problèmes principaux. Tout d’abord, l’agriculture ne bénéficie pas assez d’investissements. Des terres cultivées jusqu’aux rayons des supermarchés, nous avons de faibles rendements parce qu’il n’y a pas assez de mécanisation. Et par ailleurs, ces pays n’utilisent pas assez de semences améliorées. Ensuite, la pandémie de Covid-19 a mis à nu la fragilité de la chaîne froid en Afrique et beaucoup de denrées périssables ont été perdues pendant la crise.

Un autre facteur qui a provoqué les pertes de récoltes a été le changement climatique… Comment renforcer la résilience des pays africains ?

Dans la région, environ 4 millions de tonnes de céréales sont perdues chaque année. Cela pourrait être évité si ces pays construisaient des silos ou des réservoirs de stockage, au moment de la saison des pluies. De cette manière, nous éviterions ces pertes et pourrions ainsi nourrir environ 30 millions de personnes.

Mais en même temps, nous, les agences de l’ONU, devons faire face à des situations d’urgence et nous avons, pour priorité, de sauver des vies. Et vous savez qu’avec une quantité d’argent limitée, les agences onusiennes ne peuvent malheureusement pas anticiper les crises et agir à temps.

À combien chiffrez-vous les besoins financiers de la région ?

L’aide alimentaire dans la région est de l’ordre de deux milliards et demi par an. Si nous n’étions pas obligés de faire face aux situations d’urgence qui consistent à distribuer ou encore à réhabiliter les infrastructures agricoles détruites par les inondations et si le Programme alimentaire mondial, n’avait pas pour seule mission de distribuer de la nourriture, nous pourrions utiliser cet argent pour le développement d’un secteur agricole durable, mais malheureusement nous sommes face au mur de l’urgence et nous ne pouvons donc pas agir sur le longtemps.

« Nos systèmes alimentaires sont cassés »
Plusieurs communautés survivent à l’ombre de la famine et pourraient basculer, d’un jour à l’autre, dans l’insécurité alimentaire, c’est-à-dire ne plus avoir accès à des aliments sains et nutritifs en quantité suffisante. C’est le tableau dressé par Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, lors de son discours d’ouverture.

« Nos systèmes alimentaires sont cassés », a-t-il martelé, « et l’Afrique est en première ligne ».

Une personne sur cinq souffre de la faim, soit deux fois plus que la moyenne mondiale, d’après un dernier rapport de l’ONU, sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde.

Plusieurs raisons à cela : les effets persistants de la pandémie de Covid-19, des chocs climatiques à répétition qui ont dévasté des récoltes et la guerre en Ukraine. Antonio Guterres a exhorté la Russie à renouveler l’accord céréalier en mer Noire pour ne pas pénaliser davantage les pays vulnérables qui ont déjà du mal à nourrir leurs populations, des pays comme la Tunisie où la production des céréales a chuté de 66 % par rapport à la saison précédente.

Le président tunisien Kaïs Saïed a d’ailleurs fait le déplacement, tout comme le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed. Dans son discours, Abiy Ahmed a plaidé pour la modernisation de l’agriculture, notamment pour limiter l’impact de la hausse des prix alimentaires liée au conflit en Ukraine.

RFI

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