Les autorités européennes mènent des investigations sur une éventuelle prise de contrôle anticipée de Lagardère par Vivendi, qui appartient au milliardaire Vincent Bolloré.
Le groupe Vivendi est à nouveau dans le viseur de Bruxelles. La Commission européenne a annoncé, mardi 25 juillet, l’ouverture d’une enquête formelle visant à déterminer si le groupe du milliardaire Vincent Bolloré s’est emparé de Lagardère (Paris Match, Journal du dimanche, Hachette) de manière anticipée, c’est-à-dire avant le feu vert qui lui a été accordé le 9 juin. Le cas échéant, il s’agirait d’une infraction aux règles de l’Union européenne.
Franceinfo décrypte les motifs de l’ouverture de cette enquête, ainsi que les sanctions auxquelles pourrait être soumis le groupe Vivendi.
1Pour quels motifs la Commission européenne ouvre-t-elle une enquête ?
Cette enquête doit vérifier que Vivendi n’exerce pas de contrôle ou d’influence sur ses acquisitions futures, explique le site Actualitté, spécialisé dans l’édition. « À ce stade, la Commission a recueilli suffisamment d’éléments pour ouvrir une procédure formelle d’examen visant à déterminer si Vivendi a respecté nos procédures », a déclaré la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, dans un communiqué publié mardi. Une porte-parole de l’exécutif européen avait annoncé à la mi-juin qu’une éventuelle violation des règles était en cours d’examination, sans que cela ne fasse l’objet d’une enquête formelle.
La nomination de l’ancien journaliste de Valeurs Actuelles Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche, provoquant au passage une grève historique, a sans doute motivé la Commission à enquêter sur une interférence anticipée de Vivendi, selon le sociologue des médias Nicolas Kaciaf. « Rien, dans l’histoire du JDD, un journal centriste, ne le prédispose à recruter un journaliste d’extrême droite, d’autant plus qu’il s’est fait renvoyer de son propre groupe parce qu’il n’était pas suffisamment rentable », assure-t-il.
En février, franceinfo révélait qu’une journaliste de Paris Match avait fait jouer sa clause de conscience, dénonçant l’influence de Vincent Bolloré. Selon elle, le milliardaire se serait investi dans la gestion éditoriale de l’hebdomadaire bien avant que Bruxelles n’ait donné son feu vert.
2Que risque Vivendi si l’infraction est prouvée ?
Si la Commission européenne conclut que Vivendi a bien procédé à une opération d’acquisition avant son feu vert, elle pourra sanctionner le groupe de Vincent Bolloré d’une amende allant jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires total. En 2022, il s’élevait à 9,6 milliards d’euros, boosté notamment par les performances de sa filiale de conseil en communication, Havas, et du groupe de télévision Canal+. Vivendi devrait donc potentiellement s’acquitter d’une amende de 960 millions d’euros en cas de sanction.
En revanche, cette procédure n’aura aucune incidence sur le rachat de Lagardère par Vivendi, acté le 9 juin par Bruxelles.
3Quelles sont les réactions à l’ouverture de cette enquête ?
Peu après l’annonce de l’ouverture d’une enquête, le groupe Vivendi a déclaré que cette procédure « ne préjuge en rien de l’existence d’une infraction » et qu’elle « ne remet pas en cause l’autorisation de l’acquisition de Lagardère par Vivendi ». Par ailleurs, le groupe piloté par Vincent Bolloré a déclaré ne pas disposer « de détails sur cette enquête avec laquelle [il] entend coopérer pleinement », même s’il estime avoir « pleinement respecté les règles applicables en matière de concentrations ». L’entreprise s’engage à « continuer à les respecter jusqu’à pleine exécution des remèdes offerts à la Commission européenne pour le rapprochement avec Lagardère ».
De son côté, Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), a qualifié sur Twitter l’ouverture de l’enquête d' »excellente nouvelle ». RSF avait déjà réclamé une telle enquête, « compte tenu des nombreux signaux attestant d’une emprise croissante de Vincent Bolloré sur les médias du groupe Lagardère avant même la validation du rachat ».
afp