L’économie canadienne ralentit plus que prévu

La croissance économique a ralenti encore plus qu’on le prévoyait au deuxième trimestre au Canada. Mais elle avait des circonstances atténuantes.

Le produit intérieur brut (PIB) réel canadien a augmenté de 0,3 % en mai, a rapporté vendredi Statistique Canada. C’est mieux que la hausse de 0,1 % du mois précédent, mais cette augmentation semble bien avoir été immédiatement suivie par un recul mensuel de 0,2 % le mois dernier, selon les renseignements préliminaires déjà disponibles.

Cela signifierait qu’après un passage à vide (–0,1 %) au quatrième et dernier trimestre de 2022, suivi d’un fort rebond (+3,1 %) au premier trimestre de l’année, l’économie canadienne est ensuite retombée à un rythme de croissance annualisé de seulement 1 % au deuxième trimestre. Cela serait encore moins que ce à quoi la Banque du Canada s’attendait (+1,5 %) dans ses plus récentes prévisions économiques, il y a à peine deux semaines.

Il faut dire qu’au-delà des facteurs plus fondamentaux, l’économie canadienne doit aussi composer avec toutes sortes d’événements plus conjoncturels. La fin des grèves dans la fonction publique fédérale a notamment contribué à la hausse de 0,5 % de l’activité dans le secteur des services tandis que le premier recul en cinq mois du secteur de l’énergie (–2,1 %) a été causé par les feux de forêt en Alberta.

De leur côté, les secteurs du commerce de gros (+2,9 %) et de la fabrication (+1,6 %) ont largement profité de la réduction des problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement, particulièrement dans le domaine de l’automobile.

On observe parfois des tendances apparemment contradictoires. Dans le secteur immobilier, par exemple, la croissance a continué d’être forte pour les bureaux d’agents de courtiers immobiliers (+7,6 %) à la faveur de l’activité de revente de maison dans les principaux marchés, comme Toronto, Montréal et Vancouver, alors que la construction résidentielle a accusé un premier recul en cinq mois (–1,8 %).

Le Québec, les États-Unis, l’Europe
Plus tôt cette semaine, l’Institut de la statistique du Québec avait fait état d’un recul, au mois d’avril, du PIB québécois réel de 0,4 %, qui venait effacer quatre mois de hausse consécutive. Bien que, là encore, influencés par des facteurs temporaires, ces résultats étaient ceux d’une économie affligée de « plusieurs faiblesses qui persisteront au cours des prochains mois », avait expliqué l’économiste au Mouvement Desjardins Hélène Bégin.

L’économie canadienne n’est pas la seule à marquer le pas ou à déjouer les prévisionnistes. Jeudi, le département du Commerce américain a rapporté que la croissance économique s’était accélérée au deuxième trimestre aux États-Unis, pour atteindre un rythme annualisé de 2,4 %. Les experts s’attendaient plutôt à ce qu’elle se maintienne à 2 %, comme au premier trimestre, ou qu’elle se replie aux alentours de 1,6 %. Mais les dépenses des consommateurs et l’investissement des entreprises en ont voulu autrement. Du moins, pour le moment.

En Europe, la récession semble désormais inévitable, du moins en Allemagne, où la croissance est tombée au neutre au deuxième trimestre après avoir reculé successivement de 0,4 % et de 0,1 % lors des deux trimestres précédents, a rapporté l’Agence France-Presse vendredi. La France (+0,5 %) et l’Espagne (+0,4 %) semblent s’être nettement mieux tirées d’affaire.

Quelle sera la suite ?
Le spectre de la récession plane sur toutes ces économies, notamment depuis l’envolée de l’inflation et la réponse musclée des banques centrales pour casser son élan à coups de hausses de leurs taux d’intérêt.

La Banque du Canada a augmenté son propre taux directeur de 4,75 points de pourcentage en seulement 17 mois et se dit prête à en faire un peu plus encore si la vigueur des consommateurs et des investisseurs retarde trop le retour de l’inflation à sa cible de 2 %. Il y a deux semaines, elle entrevoyait un rythme d’expansion annualisé de 1,5 % aux 2e et 3e trimestres, pour une croissance économique réelle de 1,8 % cette année et de 1,2 % l’an prochain, alors qu’elle avait été de 3,4 % l’an dernier.

À l’instar des mois de mai et de juin, l’économie canadienne va probablement continuer de balancer encore longtemps d’avant en arrière, a observé dans une brève analyse vendredi Douglas Porter, économiste en chef à la Banque de Montréal.

Plutôt que de récession, Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme, de la Banque Nationale, préfèrent parler d’une « léthargie économique » qui se traduira par une croissance « anémique » de 1,4 % cette année et de 0 % en 2024.

Tony Stillo, de la firme d’analyse Oxford Economics, ne croit pas, pour sa part, que le Canada puisse éviter au moins une modeste récession. Il s’attend même à ce qu’elle commence durant l’actuel trimestre.

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