RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE Sylvain Coutterand, glaciologue spécialiste de la géomorphologie glaciaire, observe les Alpes françaises depuis des dizaines d’années et affirme que l’état des glaciers est « grave »
- La fonte des glaciers est aussi visible en Antarctique que dans les Alpes françaises.
- Ces phénomènes, liés au réchauffement climatique, ont des conséquences directes sur le paysage et sur l’activité de la haute montagne.
- Sylvain Coutterand, glaciologue spécialiste de la géomorphologie glaciaire, est clair : « Nous allons être témoins de leur disparition progressive ».
« On a atteint un point de non-retour ». Moins de dix ans après les alertes des scientifiques sur la situation de la fonte des glaciers de l’Antarctique, l’histoire se répète. A leur tour, les glaciers européens atteignent l’irréversible, comme l’indique le dernier rapport annuel de l’Organisation météorologique mondiale.
Manque de neige en hiver, étés très chauds et secs… Dans le massif du Mont-Blanc, en Haute-Savoie, les six glaciers formés il y a des milliers d’années subissent ainsi directement les effets du réchauffement climatique. « Les glaciers sont des témoins, mais surtout des victimes directes, des modifications du climat, affirme l’alpiniste et géomorphologue Sylvain Coutterand. Et leur état s’aggrave d’année en année. »
En cinq ans, les glaciers ont évolué de manière défavorable dans les Alpes
Les conséquences du réchauffement climatique sont donc nettement visibles dans les montagnes françaises. Le spécialiste cite l’exemple du Bionnassay, dans le massif du Mont-Blanc, où « toutes les parties aval du glacier sont des glaces mortes ». « La partie basse des glaciers disparaît avec la glace s’amincit et des coupures en aval de toutes les langues glaciaires [qui indiquent l’avancée d’un glacier dans une vallée], développe le spécialiste. Elles se déconnectent des parties amont à cause de ce manque d’alimentation en neige. »
Des conséquences sur la fréquentation de la haute montagne
Autre conséquence de la fonte des glaciers : la multiplication de chutes de pierres durant l’été. « La fréquentation de la haute montagne pour les guides et leurs clients est devenue extrêmement dangereuse. Beaucoup plus qu’auparavant », insiste le glaciologue spécialisé en géomorphologie glaciaire.
Depuis plusieurs années, l’ascension du Mont-Blanc est d’ailleurs beaucoup plus limitée en raison du réchauffement climatique et de la fonte des glaces. Chaque été, certains sentiers sont même fermés. « On a beaucoup de chemins qui permettent de passer au-dessus du glacier, donc si ce dernier perd de l’épaisseur, ces sentiers deviennent impraticables et peuvent s’effondrer », ajoute l’alpiniste. Pour accéder au refuge d’Envers les Aiguilles par exemple, Sylvain Coutterand a mesuré entre « 5 et 10 m de perte d’épaisseur » chaque année, soit au minimum 50 m en dix ans. Un phénomène qui explique donc la modification de certains parcours.
« Il faudrait 1.500 ans pour retrouver l’équilibre »
Et la situation ne va pas s’améliorer. « Tous les ans, les glaciers fondent un peu plus, de manière irréversible, poursuit le scientifique. Malheureusement, la quantité de CO2 et de méthane continue d’augmenter chaque année alors que ces gaz à effet de serre ont un impact direct sur les températures de la planète et donc, sur la fonte des glaciers. Même si on arrêtait tout dès maintenant, il faudrait à peu près 1.500 ans pour retrouver une atmosphère en situation d’équilibre. »
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