Sida : un gène capable de limiter la réplication du VIH a été découvert

Le gène CHD1L, découvert au sein de populations africaines, permet de contrôler les niveaux de VIH, le virus du Sida, dans l’organisme. Cette observation offre l’espoir de trouver de nouveaux traitements contre la maladie. Explications.

L’Afrique est l’un des continents les plus touchés par le VIH et pourtant, peu d’études génétiques avaient été menées jusque là sur des données africaines. Un manquement, car elles ont effectivement des secrets à nous livrer : un gène essentiel à la résistance contre le VIH vient d’être identifié. Il pourrait devenir une cible pour de nouveaux traitements. Cette découverte représente un espoir pour les 40 millions de personnes touchées par le virus du Sida à travers le monde, qui n’ont ni vaccin ni remède.

Une région inconnue repérée
Pour mettre le doigt sur ce gène qui permet à l’organisme de lutter contre le VIH, les données de diverses populations africaines et de leurs ancêtres ont été passées à la loupe des GWAS, les Genome Wide Association Study. Ce type d’études consiste à observer les variations génétiques dans de larges groupes d’individus pour essayer de trouver des corrélations. En tout, les génomes de 3879 personnes vivant avec le VIH ont été passés au crible.

Résultat : les chercheurs ont réussi à identifier une région jusque là inconnue de l’ADN, fortement associée avec le contrôle du VIH. Appelée CHD1L (pour « Chromodomain Helicase DNA Binding Protein 1 Like »), cette région code pour une protéine qui aide l’ADN à se dérouler après avoir été endommagé. Une fois étendues grâce à CHD1L, ces régions peuvent alors se réparer.

Pour comprendre comment exactement CHD1L fait barrière au VIH, l’équipe s’est penchée sur les mécanismes biologiques entraînés par ce gène : il semble réussir à limiter la réplication du VIH dans certains globules blancs. Pour mesurer la sévérité du virus, la progression de l’infection et sa transmissibilité, le personnel médical recherche la charge virale du virus, c’est-à-dire la quantité de virus présent dans le sang circulant.

Elle correspond aux niveaux de VIH stabilisés dans l’organisme après la phase aiguë d’infection chez les personnes sans traitement. La charge virale varie largement dans la population infectée, selon que le système immunitaire du malade est capable de contrôler la réplication virale sans médicaments antirétroviraux ou non.

Moins de virus circulant dans le sang
« Nous avons pu montrer que la protéine produite par ce gène diminue la réplication du VIH dans un certain sous-type de globules blancs appelés macrophages. Le mécanisme moléculaire de cette inhibition reste par contre mystérieux », détaille auprès de Sciences et Avenir le professeur Jacques Fellay, qui a dirigé ces travaux publiés dans Nature. À noter que sur le plan clinique, les personnes porteuses du VIH et de ce gène protecteur ne sont pas moins malades que les autres.

« Pour un individu en particulier, l’effet est probablement trop faible pour faire une différence détectable. Concrètement, la quantité de virus qui circule dans le sang d’un patient, en l’absence de traitement antirétroviral, sera légèrement inférieure chez ceux qui sont porteurs de la version ‘protectrice’ de ce gène. »

Impossible donc de comparer ce nouveau gène à la mutation CCR5. En effet, cette dernière, découverte en 1994, permet aux personnes qui en sont porteuses d’être résistantes au VIH. Le virus utilise en effet le récepteur CCR5 pour infecter les cellules. Or les personnes porteuses de la mutation, originaires d’Europe du Nord, n’ont plus ce récepteur.

Impossible, donc, pour le VIH d’entrer et de proliférer. CCR5 est depuis utilisée pour guérir dans des cas très rares certains malades du VIH, grâce à des dons de moelle osseuse de personnes porteuses de la mutation.

« Pour CHD1L, l’impact que nous avons mesuré est plus tardif : la réplication du virus est ralentie chez les personnes déjà infectées, mais il n’y a pas d’effet protecteur contre la contamination. Il est donc peu probable que ce gène puisse être utilisé pour empêcher l’infection », prévient le Pr Fellay.

La découverte du rôle de CHD1L dans la réplication du VIH pourrait tout de même, à terme, mener à de nouveaux traitements. « On pourrait imaginer d’en moduler l’expression à l’aide de molécules ciblées. Ceci dit, le chemin à parcourir de l’identification du gène à une possible application thérapeutique est semé d’embûches. On ne sait pas, à ce stade, s’il est possible de manipuler ce gène sans causer d’autres problèmes », explique le Pr Fellay.

L’importance des cohortes africaines
Si la charge virale a été largement étudiée dans des populations européennes, ces travaux sont bien moins nombreux sur le continent africain. « C’est un problème majeur de la recherche en génomique : au cours des deux dernières décennies, les scientifiques ont en effet étudié surtout des patients d’origine européenne. Ceci était principalement dû à l’existence de cohortes et de biobanques relativement faciles d’accès en Europe et aux Etats-Unis.

L’Asie a suivi, mais il est vrai que les populations d’origine africaine ont été nettement moins étudiées jusqu’ici », explique le Pr Fellay qui se dit fier d’avoir fait un pas concret dans cette direction. « Cette situation doit changer, d’une part pour des raisons d’équité, mais aussi parce que la diversité génétique présente aujourd’hui en Afrique est plus importante que dans le reste du monde. La probabilité de découverte est donc plus importante. »

Les cohortes africaines sont d’autant plus cruciales qu’elles offrent des probabilités plus élevées de tomber sur des spécificités génétiques par rapport au reste du monde. « Les populations africaines ont une histoire génétique plus ancienne que la nôtre : l’Afrique est le berceau de l’humanité, et c’est sur ce continent que les êtres humains se sont diversifiés le plus longtemps.

Les populations non-africaines descendent toutes d’un groupe d’individus qui ont quitté ce continent il y a 70 à 80.000 ans, et qui n’ont pas pu emmener avec eux toute la diversité génétique accumulée jusque là. C’est ce qu’on appelle le ‘out-of-africa bottleneck' », détaille le chercheur.

Ces travaux visent aussi à mieux répondre aux besoins médicaux spécifiques des malades, en réduisant les inégalités en matière de santé. Alors que près de 40 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, plus de la moitié d’entre elles se trouvent en Afrique, selon l’ONG Onusida.

CORALIE

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