Niger: retour sur une intense semaine de tractations diplomatiques sur fond d’ultimatum

Le Niger retient son souffle. Dernier jour, ce dimanche 6 août, de l’ultimatum lancé par la Cédéao à la junte. Depuis la semaine dernière, l’organisation ouest africaine exige un retour à l’ordre constitutionnel, à savoir le retour du président Bazoum dans ses fonctions. Un recours à la force est même envisagé pour déloger les militaires. Retour sur cette intense semaine de tractations diplomatiques.

Il y en a eu des discussions à haut niveau. Durant sept jours, le président de la transition tchadienne s’est notamment rendu, dès dimanche dernier, à Niamey et plus tard, c’est une délégation de la Cédéao qui a passé quelques heures dans la capitale nigérienne, mais sans rencontrer le général Tchiani, chef de la junte, ni le président Bazoum.

En prévision de la potentielle intervention militaire de la Cédéao, les chefs d’État-major des pays membres de l’organisation, à l’exception du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso dirigés par des juntes, onze chefs d’état-major ont donc planché, durant trois jours, à Abuja. Vendredi soir, ils ont annoncé avoir défini les contours de cette mission et en avoir recensé les ressources, se tenant prêts, en cas de feu vert des dirigeants de la Cédéao.

Si le secret-défense prévaut, on sait cependant que plusieurs pays sont prêts à envoyer des troupes au Niger. C’est le cas du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal.

Une « riposte immédiate » à « toute agression »
Au Mali et au Burkina Faso, les militaires putschistes préviennent, eux, qu’ils sont solidaires du CNPS et qu’ils considèreraient toute intervention militaire comme « une déclaration de guerre » à leur encontre.

Parmi les voisins du Niger qui ne font pas partie de la Cédéao, le Tchad et l’Algérie refusent d’intervenir militairement, préférant un travail de dialogue avec la junte.

Hier soir encore, samedi 5 août, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a affirmé dans un entretien à un média national qu’une intervention militaire au Niger serait « une menace directe pour l’Algérie. »

Forte pression sur le président du Nigeria
La pression est forte sur Bola Tinubu, président du Nigeria, pays qui pourrait jouer un rôle de premier plan dans une potentielle opération militaire régionale. Cependant, de nombreuses voix s’élèvent, depuis deux jours, pour tenter de dissuader le chef de l’Etat de se lancer dans une telle aventure, relate notre envoyée spéciale à Abuja, Liza Fabbian.

Que ce soit les sénateurs du nord du Nigeria, l’influent groupe musulman Jama’atu Nasril Islam ou bien l’opposition, le message est presque toujours le même, résumé ici par la voix du président du Parti démocratique populaire, le gouverneur de l’État de Bauchi.

« Nous conseillons à notre président, commandant en chef des armées, de ne pas s’engager dans quelque forme de guerre que ce soit avec la République du Niger. Il vaut mieux privilégier tous les outils de la diplomatie et du dialogue », appelle-t-il.

Les représentants du nord du Nigeria s’inquiètent particulièrement des conséquences qu’une opération militaire pourrait avoir sur les sept États qui bordent la frontière avec le Niger.

Usman, un habitant d’Abuja, évoque les liens commerciaux, sociaux et culturels très forts entre ces régions :« Le Niger et le Nigeria, c’est quasiment la même chose dans ces États frontaliers. Que ça soit à Sokoto, Katsina, Zamfara, Maiduguri… tout ça peut vraiment les affecter. S’il y a une intervention militaire, nous ne savons pas jusqu’où ça peut aller. »

Quant au jeune Muhammad, originaire de l’État de Borno, au nord-est du Nigeria, il s’inquiète d’un déploiement militaire qui pourrait affecter les efforts de l’armée dans sa propre région.

« Nos problèmes avec Boko Haram ne sont absolument pas réglés… et maintenant, ils veulent aller se battre ailleurs ? Est-ce qu’il vaut mieux se concentrer sur les problèmes qui nous concernent, comme Boko Haram, ou aller se battre au Niger ? Il vaut mieux qu’on s’occupe d’abord de notre pays », estime-t-il.

Certains Nigérians s’interrogent aussi sur un possible afflux de réfugiés, alors que 200 000 de leurs ressortissants sont installés au Niger après avoir fui les violences jihadistes dans leur pays.

RFI

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