Réuni à Kinshasa le 8 août, le Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque centrale de RDC a annoncé relever son taux directeur de 11 % à 25 %. La troisième hausse consécutive en 2023 intervient alors que le pays tente, tant bien que mal, de maîtriser les tensions inflationnistes externes et internes et la dégringolade continue du franc congolais (CDF) face au dollar.
« Au vu des perspectives incertaines au niveau de l’économie mondiale, le CPM a décidé de resserrer davantage la politique monétaire, neutraliser tout excès de liquidité et mieux soutenir la stabilité macroéconomique », précise une communication de la Banque centrale du congo. Ainsi, l’institution financière recommande le maintien de la vigilance dans la conduite de la politique monétaire.
Préserver le pouvoir d’achat
Si l’inflation mondiale moyenne devrait s’établir à environ 7 % en 2023, selon les données du FMI, les prévisions de la Banque africaine de développement (BAD) misent sur un taux supérieur à 13 % en RDC. Miné par les répercussions de la guerre en Ukraine, la hausse des dépenses sécuritaires et le paiement d’arriérés de salaires des fonctionnaires, le pays se heurte à une violente poussée des prix. Mais, plus encore, à une dépréciation continue de sa monnaie locale.
« L’attractivité des bons de trésor de l’État par rapport au franc congolais est le vrai enjeu de cette opération », explique à Jeune Afrique un économiste congolais, selon qui « il est trop simpliste de dire que le relèvement du taux directeur va directement réduire l’inflation en RDC ». « Limiter la surliquidité bancaire favorisera un taux de change positif au franc congolais, ce qui permettra par la suite de préserver le pouvoir d’achat des citoyens », estime notre interlocuteur.
Mesures contestées
Cependant, les multiples hausses de taux directeurs sont contestées par de nombreux analystes, dont le banquier congolais et ancien candidat à l’élection présidentielle de 2018, Noël Tshiani. Pour cet économiste, le recours à « la planche à billets » pour financer le déficit budgétaire a créé un excès de liquidités. « Pour absorber sa surliquidité, le sapeur-pompier augmente le taux directeur de 9 à 11 %, puis à 25 % en deux mois, fustige-t-il sur Twitter. Ceci amènera les taux commerciaux à 30 %, ce qui tue l’économie. »
Pour financer le déficit budgétaire, on a recouru à la planche à billets qui a créé la surliquidité. Pour absorber sa surliquidité, le sapeur pompier augmente le taux directeur de 9 à 11, puis à 25 % en deux mois. Ceci amènera les taux commerciaux à 30%, ce qui tue l’économie.
— Noel K. Tshiani Muadiamvita (@NoelKTshiani) August 10, 2023
En 2023, la valeur de la devise nationale a dévissé de près de 15 % face au dollar qui s’échange, actuellement, à environ 2 440 francs congolais. Pour tenter d’enrayer ce phénomène persistant et atténuer les tensions sur le marché, le président congolais, Félix Tshisekedi a approuvé – suite à une réunion tenue le 17 juillet dernier – la stratégie de la Banque centrale de RDC obligeant les sociétés minières de payer leurs impôts en francs congolais.
Dans la lignée des décisions de la Banque centrale, le Comité de conjoncture économique, présidé par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, a annoncé, le 9 août, un contrôle rigoureux des prix des biens et services sur les marchés. « Nous n’allons pas laisser faire comme dans une jungle », réitère Jean-Michel Sama Lukonde pour qui, cette stratégie permet de « vaincre le combat contre la spéculation sur notre monnaie et pour la dédollarisation de notre économie »
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