On pourrait penser que climat et processus géologiques d’origine profonde, comme les éruptions volcaniques ou les séismes, n’ont aucun lien. Et pourtant, les interactions entre ces deux « mondes » sont pourtant très fortes, et d’autant plus exacerbées aujourd’hui avec le dérèglement climatique.
Tous les jours, nous faisons face aux effets dramatiques du dérèglement climatique. Pluies diluviennes d’un côté, sécheresse et feux de forêt d’un autre, fonte des glaces et augmentation sans précédent de la température des océans. Mais cette évolution rapide du climat global n’a pas seulement un impact sur les processus « de surface ». Son impact est également visible sur certains grands événements géologiques d’origine plus profonde, que l’on pourrait penser à tort être découplés de l’environnement climatique, comme les séismes ou les éruptions volcaniques.
Un lien fort entre cycle des pluies et séismes
On a en effet plutôt l’habitude de considérer les éruptions volcaniques comme étant des facteurs d’influence climatique. Il est vrai que l’histoire terrestre est ponctuée d’événements volcaniques catastrophiques qui, par le biais des gigantesques volumes de cendres et de gaz projetés dans l’atmosphère, ont fait basculer le climat terrestre, soit dans des périodes de glaciations, soit dans des épisodes de réchauffement extrêmes, les deux cas de figure ayant pu entraîner des extinctions de masse ou des crises biologiques.
De nombreuses études montrent cependant que les variations climatiques sont également capables d’influencer, en retour, ce type d’événement géologique.
On observe ainsi un lien fort entre le cycle annuel des précipitations dans certaines régions du monde et le nombre de tremblements de terre. Ainsi, dans l’Himalaya, on remarque que 48 % des séismes surviennent durant la saison sèche qui précède les mois de mousson, alors que seuls 16 % sont enregistrés durant la saison des pluies. Ce phénomène s’explique par les variations de poids sur la croûte continentale entre la saison sèche et la saison humide.
Les pluies gorgent en effet le sol d’eau, ce qui le comprime à la fois verticalement et horizontalement, avec un effet stabilisateur. Mais, lorsque cette eau disparaît durant la saison sèche, en hiver, la perte de poids entraîne un effet de rebond qui déstabilise le sous-sol et les failles qui y courent, augmentant ainsi le nombre de séismes.
Le dérèglement climatique actuel, qui intensifie les moussons, ne ferait qu’aggraver ce phénomène. La fonte des glaciers, en lien avec l’augmentation des températures, pourrait bien produire un effet similaire dans ces régions de fort relief.
AVEC LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, L’INTENSIFICATION DES MOUSSONS POURRAIT CAUSER UNE HAUSSE DU NOMBRE DE SÉISMES DURANT LA SAISON SÈCHE.
Une activité volcanique réveillée par la fonte des glaciers
La modification de la charge appliquée par les glaciers pourrait d’ailleurs également être responsable d’une augmentation de l’activité volcanique dans certains endroits du globe. Cette idée est appuyée par ce qui s’est passé en Islande il y a quelques milliers d’années. L’île volcanique située au beau milieu de l’Atlantique Nord a en effet connu une expansion des glaciers lors d’un bref épisode de refroidissement climatique survenu il y a 5 500 à 4 500 ans. L’analyse des cendres volcaniques dans les sédiments montre que durant cette période, l’activité volcanique de l’île s’est nettement réduite.
Au contraire, elle a subi une augmentation significative après la fin de cette période froide et la fonte partielle des glaces. Les chercheurs notent cependant un délai de quelques centaines d’années entre ce « redémarrage » de l’activité volcanique et le début du réchauffement. Actuellement, on continue d’observer un lien entre les saisons et les événements éruptifs de deux volcans islandais en particulier. L’activité du Grímsvötn et du Katla est en effet plus forte durant l’été, lorsque les glaciers qui les recouvrent reculent.
CERTAINS VOLCANS EN ISLANDE SONT PLUS ACTIFS EN ÉTÉ, LORS DU RETRAIT DE LEUR COUVERTURE GLACIAIRE.
Ce phénomène s’explique par le fait que les glaciers appliquent une charge très importante sur la croûte, mais également sur le manteau sous-jacent. Cette pression appliquée sur les roches du manteau les empêche temporairement de fondre et donc de former du magma. La fonte des glaciers entraînerait par contre une décompression des roches. La fusion se ferait alors plus facilement dans le manteau, ce qui explique l’augmentation de l’activité volcanique après la perte de leur calotte de glace.
Ce type d’impact indirect du changement climatique n’est toutefois encore que très peu discuté. Séismes et éruptions font pourtant partie des grands phénomènes naturels qui touchent fréquemment les populations humaines.
Le début d’une glaciation augmente l’activité volcanique des îles
Les éruptions volcaniques influencent le climat mais l’inverse serait aussi vrai d’après des découvertes faites ces dernières années. Les archives géologiques pointent du doigt une connexion entre éruptions et le début et la fin d’une période glaciaire.
La géophysique des éruptions volcaniques est l’un des sujets les plus passionnants de la géologie. Si, bien du chemin a été parcouru à son sujet depuis les temps héroïques des pionniers volcanologues comme Haroun Tazieff, menant par exemple aux fameuses équations de Dan McKenzie concernant la génération et le transport du magma dans les roches du manteau des planètes telluriques comme la Terre ou Vénus, il nous reste heureusement encore bien des découvertes à faire.
Comme toujours, elles sont le fruit d’un dialogue entre les observations de terrains, les expériences en laboratoire et les raisonnements et calculs des théoriciens, parfois soutenus par des simulations numériques ou analogiques.
Une équipe de chercheurs en géosciences, menée par des membres de l’Oxford Brookes University vient de publier un article intéressant au sujet des mécanismes derrière certaines éruptions volcaniques dans le célèbre journal Nature Geoscience.
La découverte s’est faite en étudiant la stratification des dépôts de téphras bien visibles dans la mythique caldeira de Santorin et qui entoure le volcan actif Néa Kamini. Elle est confortée par des simulations numériques des contraintes tectonophysiques pouvant s’exercer sur la chambre magmatique sous Santorin.
Un ajustement isostatique piloté par les glaciations
Dans le précédent article ci-dessous, Futura avait expliqué que l’on avait des raisons de penser que la fin d’une période glaciaire s’accompagne d’une augmentation des éruptions volcaniques. C’est ce que l’on constate en étudiant des dépôts de cendres dans les carottes sédimentaires prélevées dans les océans et couvrant les derniers 460.000 ans environ de l’histoire de notre Planète bleue.
Rappelons que l’on dénombre au moins 17 glaciations quaternaires, aussi nommées glaciations plio-quaternaires ayant une périodicité proche de 100.000 ans et survenant depuis au moins 2,58 millions d’années.
Les raisons de ce phénomène intriguant seraient simples. En fondant, les glaciers des continents supprimeraient des charges sur la croûte continentale laquelle flotte en quelque sorte sur le manteau supérieur comme une péniche. Pour des raisons d’équilibre mécanique à rétablir, décrit par la théorie de l’isostasie, les continents se mettent donc à remonter comme une péniche déchargée.
On parle donc de rebond post-glaciaire (également appelé ajustement isostatique, rebond isostasique ou glacio-isostasie) pour décrire ce phénomène qui s’accompagne de fractures dans la croûte et de modifications des pressions facilitant la remontée du magma en surface dans les régions volcaniques.
Les données de Santorin suggèrent aujourd’hui que la réciproque du phénomène s’est produite aussi, au moins dans le cas de Santorin, au début des glaciations. Ainsi, les géologues voient maintenant une corrélation entre la baisse du niveau des mers causée par la formation d’Inlandsis sur les continents au début de chaque période glaciaire et les éruptions de Santorin.
Pour être plus précis, au cours des quelques centaines de milliers d’années qui nous précèdent, dès que le niveau des mers passent en dessous des 40 m sous le niveau actuel des océans, l’activité volcanique débute dans l’île.
Ce résultat, d’abord établi dans le cas de Santorin, devrait être valable pour bien des îles et des volcans en bord des continents.
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