L’Égypte est bouleversée par un drame familial où un villageois a égorgé sa femme et ses cinq filles. Le crime a eu lieu dans le village de Kafr Ghatati près des pyramides de Guizeh
Abdel Mawla Bakri, qui venait d’être libéré après plusieurs années de prison pour recel, s’est disputé avec sa femme qu’il a accusé de n’avoir enfanté rien que des filles. Le ton est monté et Abdel Mawla a pris un couteau et a égorgé sa femme et ses cinq filles, âgées de 16 à 5 ans. L’épouse et l’une des filles sont mortes sur le coup tandis que les quatre autres sont entre la vie et la mort. Le meurtrier, qui a avoué son crime, l’a justifié par la nécessité d’avoir un fils en milieu rural.
Dans un village égyptien, le pouvoir est partagé entre les familles. La puissance d’une famille est déterminée en fonction des terres possédées, de la richesse et du nombre d’hommes qu’elle peut aligner en cas de litige avec une autre famille, d’où l’importance pour les villageois d’avoir le plus grand nombre d’enfants hommes.
Et la Charia intervient aussi pour l’héritage. Un garçon hérite en effet deux fois plus qu’une fille. Mais plus important encore pour la recherche d’un héritier homme, c’est le fait qu’un fils blinde en quelque sorte l’héritage familial. Si une famille n’a que des filles, les oncles obtiennent une part non négligeable de l’héritage alors qu’ils n’ont droit à rien s’il y a un fils. Résultat : la possession terrienne et immobilière s’effrite et devient souvent ingérable. C’est la raison pour laquelle des parents n’ayant que des filles leur lèguent tout ce qu’ils possèdent de leur vivant.
Une nouvelle solution médicale
La polygamie est considérée comme une solution au problème de ne pas avoir d’héritier homme en milieu rural et populaire. La loi du statut personnel en Égypte permet d’épouser quatre femmes à la fois en vertu de la Charia islamique. Toutefois, la polygamie est socialement mal acceptée dans la moyenne et haute bourgeoisie musulmane et impossible pour les chrétiens qui constituent 10% des Égyptiens.
Une nouvelle solution médicale est apparue il y a une quinzaine d’années. Des cliniques privées ont fait des publicités télévisées affirmant qu’elles pouvaient déterminer le sexe du bébé. À l’époque, le processus était long et très coûteux – l’équivalent de 10 000 euros. Il s’agissait de chercher du sperme avec le chromosome Y, celui de l’homme, et de l’injecter dans l’ovule. Avec le temps, le progrès médical des techniques et des instruments, le processus s’est, en quelque sorte, démocratisé. Les cliniques se sont multipliées dans toutes les grandes villes et la concurrence a commencé à jouer.
Aujourd’hui, déterminer le sexe de l’embryon commence à l’équivalent de mille euros. Mais les grandes cliniques qui se font payer beaucoup plus mettent en doute la fiabilité du résultat des cliniques « bon marché ». Cela n’empêche pas des parents de milieu modeste de s’endetter pour des années afin de pouvoir payer les services de la clinique.
Des cliniques très visibles
Toutes ces cliniques ont pignon sur rue et sont inspectées par le ministère de la Santé qui leur donne le permis d’opérer, tandis que le ministère des Finances leur fait payer des impôts. Les autorités islamiques comme le Grand Mufti et le Grand Cheikh d’Al Azhar n’ont pas d’objection s’il s’agit de « cas individuels ». De plus, les partisans de la détermination du sexe du bébé s’appuient sur un Hadith du Prophète en la matière.
Ces techniques ont-elles affecté la balance hommes femmes en Égypte ? Les statisticiens l’excluent, même s’il n’y avait que 48,5 millions de femmes sur 104,5 millions d’Égyptiens au 1er janvier 2023.
Mais la supériorité du nombre d’hommes sur celui des femmes remonte au recensement de 1947. Un phénomène n’a fait qu’augmenter et reste à expliquer scientifiquement.
RFI.