Les médecines traditionnelles au cœur d’un sommet mondial en Inde

Le premier sommet mondial de l’OMS sur les médecines traditionnelles s’est ouvert, jeudi, dans l’État du Gujarat, en Inde. Avec cet événement, qui devrait désormais avoir lieu chaque année, l’Organisation mondiale de la santé souhaite mieux évaluer les pratiques médicales et de soins non occidentales afin de les intégrer aux politiques nationales de santé.

Médecine chinoise, acupuncture et moxas, ayurvéda, yoga… Si leurs fondements scientifiques et leur efficacité sont remis en cause dans les sociétés occidentales, les médecines traditionnelles sont un mode de soins et un patrimoine que de nombreux pays chérissent et promeuvent.

Pour encadrer ces médecines qualifiées, notamment par les Européens, de « non conventionnelles », et pour mettre en avant la nécessité de faire reposer la médecine sur des preuves scientifiques, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) organise, jeudi 17 et vendredi 18 août, son premier sommet dédié à la médecine traditionnelle, à Gandhinagar, en Inde, en marge d’une réunion des ministres de la Santé du G20.

C’est dans cette ville, capitale de l’État du Gujarat, dans l’ouest du pays, qu’a ouvert, l’an dernier, le centre de l’OMS pour les médecines traditionnelles, subventionné par le gouvernement indien à hauteur d’environ 250 millions d’euros, et dont le but est, selon l’agence onusienne, de « mobiliser la sagesse ancienne et la science moderne en faveur de la santé et du bien-être des populations et de la planète ».

Pour l’OMS, ces médecines sont considérées comme la « somme des connaissances, capacités et pratiques basées sur des théories, croyances et expériences propres à différentes cultures, explicables ou non, utilisées autant pour l’entretien de la santé que la prévention, le diagnostic, l’amélioration ou le traitement de maladies physiques et mentales ».

Alors qu’on estime que 80 % de la population mondiale a aujourd’hui recours aux médecines traditionnelles, le sommet de l’OMS vise à assurer de bonnes pratiques à travers le monde et l’intégration de ces médecines dans les systèmes de santé publique, tout en prévoyant un encadrement législatif à leur exercice.

Un sujet auquel l’OMS s’intéresse depuis une conférence de 1978 et la déclaration d’Alma-Ata (aujourd’hui Almaty, au Kazakhstan), qui reconnaît le rôle de la médecine traditionnelle.

Combler des « écarts d’accès » à la santé
L’OMS ne veut pas opposer la médecine occidentale, reposant sur des preuves scientifiques, et des techniques dites « alternatives » basées sur des approches différentes. Selon son directeur de l’OMS, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, les médecines traditionnelles peuvent permettre de combler des « écarts d’accès » à la santé, mais n’ont de valeur que si elles sont utilisées « de manière appropriée, efficacement et, par-dessus tout, en étant basées sur les plus récentes preuves scientifiques sûres ».

En février 2013, lors de la Conférence internationale sur la médecine traditionnelle pour les pays d’Asie du Sud-Est, la directrice générale de l’OMS d’alors, la Chinoise Margaret Chan, avait elle aussi déjà souligné que « les médecines traditionnelles participent à la réalisation de l’objectif de donner à tous un accès aux soins ».

En effet, pour de nombreuses personnes dans le monde, les médicaments à base de plantes, les traitements et les praticiens traditionnels constituent la principale voire l’unique source de soins de santé.

C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que l’ayurvéda, médecine traditionnelle indienne, a connu un nouvel essor dans les années 1980. Face au manque d’accès aux soins allopathiques (terme utilisé pour désigner la médecine conventionnelle) dans les campagnes, l’État a encouragé son développement afin d’étendre la couverture médicale du pays et répondre aux besoins des populations.

« Engagement politique » et « action reposant sur des preuves »
L’ayurvéda s’est également diffusé en dehors de l’Inde, et notamment en Occident, du fait de l’engouement croissant pour les médecines alternatives. Avant lui, sa discipline sœur, le yoga, s’était déjà largement exportée, jusqu’à être davantage pratiquée en Occident que dans son pays d’origine.

Acupuncture, médecine traditionnelle chinoise, naturopathie, phytothérapie… Si toutes ces thérapies dites alternatives ont le vent en poupe, et que les pays membres de l’OMS sont une majorité à en user, seuls 124 ont instauré des lois ou règlements encadrant l’usage d’herbes, et seuls la moitié d’entre eux ont une politique nationale en la matière.

Ce sont ces États qui, selon l’OMS, ont demandé des bases factuelles et des données afin d’éclairer leurs politiques, normes et réglementations en vue d’une utilisation sûre, rentable et équitable des médecines traditionnelles.

« Les progrès scientifiques en matière de médecine traditionnelle doivent répondre aux mêmes standards de rigueur que tous les autres champs d’études de la santé », estime dans un communiqué John Reeder, chef de la recherche au sein de l’OMS, qui précise que « des millions de personnes dans le monde » envisagent la médecine traditionnelle en premier lieu. « Les discussions doivent permettre de rassembler autour de la table politiques et universitaires, avec l’objectif d’aboutir à un engagement politique et à une action reposant sur des preuves ».

Une nouvelle méthodologie d’étude de ces « approches plus holistiques [qui s’intéressent au patient dans sa globalité, NDLR] et contextuelles » sera probablement nécessaire pour y parvenir, avertit-il cependant.

Le sommet mondial, qui devrait avoir lieu chaque année, a ainsi vocation à permettre à l’ensemble des parties prenantes (praticiens de la médecine traditionnelle, public, décideurs nationaux, organisations internationales, universitaires, secteur privé et organisations de la société civile) de « partager les meilleures pratiques et les bases factuelles, les données et innovations révolutionnaires sur la contribution de la médecine traditionnelle à la santé et au développement durable ».

En France, les médecines traditionnelles comptent de nombreux adeptes, mais aussi quantité de détracteurs qui lui reprochent un manque de crédit scientifique et de preuves de son efficacité.

En juin dernier, s’inquiétant du développement des pratiques de soins non conventionnelles, le Conseil national de l’Ordre des médecins a demandé, dans un rapport, à ce que des actions soient mises en place pour une meilleure identification de ces pratiques, de leur formation et de leur exercice.

AFP

You may like