Evgueni Prigojine est mort ce mercredi 23 août 2023 dans le crash d’un avion privé en Russie, selon l’administration de l’aviation russe qui a confirmé que le fondateur de Wagner se trouvait avec neuf autres personnes à bord de l’engin qui s’est écrasé.
Selon les services de secours, il n’y a aucun survivant. Evgueni Prigojine était connu pour son entreprise de mercenaires : le groupe Wagner. Une organisation bien implantée dans plusieurs pays du continent africain : la Centrafrique, le Mali ou encore la Libye.
Son décès dans un crash d’avion, mercredi 23 août 2023 intervient à une date qui n’est pas anodine. Il y a deux mois jour pour jour, l’homme au crâne rasé, la mine patibulaire et le langage peu châtié, menait une éphémère mutinerie contre les autorités russes suite à des déconvenues sur le front en Ukraine.
Car justement, en Ukraine, Evgueni Prigojine a su s’imposer en seulement quelques mois comme le visage de la guerre. Cela grâce à son armée de mercenaires recrutés en grande partie dans les prisons russes en échange d’une amnistie. Auréolé de sa victoire à Bakhmout en mai dernier, Evgueni Prigojine osait tout. Jusqu’à s’en prendre à l’état-major russe. Sans doute se croyait-il intouchable.
De la prison aux hautes sphères du pouvoir
Avant d’en arriver au front ukrainien qui lui a offert de nouveaux horizons, Prigojine est notamment passé par la case prison pendant neuf ans pour vol en bande organisée, fraude et participation à un réseau de prostitution de mineurs. Il en sort en 1990, un an avant la chute de l’URSS et se lance dans la restauration avec un stand de fast food.
Puis, il s’impose dans la restauration et ouvre un restaurant très luxueux à Saint-Petersbourg où il fait la connaissance de Vladimir Poutine, alors conseiller du maire de la ville.
À partir de là, son ascension est liée à celle de Vladimir Poutine. Lorsque Poutine accède à la présidence russe, il est chargé de la restauration du Kremlin et obtient le surnom de « cuisinier du Kremlin ». Et le président lui accorde d’autres contrats dans la restauration de l’armée, des écoles… Petit à petit, Evgueni Prigojine fait grandir son empire, nourrit par de juteux contrats publics.
Petit à petit également, il diversifie ses activités. De la restauration, il passe à la guerre de l’information. Il finance des médias et des « fabriques de trolls » qui, sur les réseaux sociaux, servent les intérêts de Vladimir Poutine sur la scène intérieure face à son opposition et sur la scène internationale. C’est une de ses entreprises qui a cherché à s’immiscer dans l’élection américaine de 2016.
Puis Wagner est fondé en 2014, un nouveau type de société militaire privée mêlant sécurité, extractions minières, opérations commerciales, propagande et conseil en stratégie politique.
Pendant des années, il niera être à la tête du groupe, lui qui cultivait jusqu’à récemment la discrétion et la clandestinité. Mais c’est au grand jour qu’il s’est affiché ces derniers mois avec ses prises de position en Ukraine et l’inauguration d’un bâtiment flambant neuf à Saint-Petersbourg.
L’influence russe en Afrique
L’Afrique est le théâtre de ses grandes victoires politiques qui marquent le retour de l’influence russe sur le continent. Evgueni Prigojine disait alors travailler à rendre la Russie « encore plus grande et l’Afrique, encore plus libre ». C’est d’ailleurs « en Afrique » que le chef de Wagner a fait sa dernière apparition il y a quelques jours.
L’histoire du groupe paramilitaire est intimement liée à la personnalité de Prigojine, la loyauté qu’il inspirait et surtout à l’hyper structure financière qu’il avait montée, notamment à travers sa profonde implantation en Afrique. Avec son groupe, il s’est déployé secrètement en Syrie, en Libye, au Soudan, en Centrafrique et au Mali.
Des pays où les hommes de Prigojine ont une bonne maîtrise du terrain et ont su se rendre indispensables, tant aux régimes autoritaires, dont ils représentent en quelque sorte l’assurance-vie, qu’au Kremlin, dont ils assurent le rayonnement sur le continent à moindres frais.
La progression foudroyante de l’influence russe sur le continent africain est d’ailleurs l’une des plus grandes victoires de M. Prigojine. Au point que le drapeau de son groupe est aujourd’hui symbole de contestation dans l’Afrique francophone. Les hommes de Prigojine ont su tirer profit des erreurs de la diplomatie française, du rejet de la politique étrangère française et plus largement de la frustration sociale dans les anciennes colonies.
Sous les ordres du « cuisinier du Kremlin », ils n’ont eu qu’à souffler sur les braises et encourager quelques influenceurs pour en récolter les fruits de manière opportuniste afin d’offrir à la Russie des victoires géopolitiques à moindre coût.
Pourtant, sur le plan sécuritaire, le bilan est pour le moins mitigé pour les actions de Prigojine. Comme en Libye où ses hommes combattent en faveur du Marechal Haftar. Au Soudan, où ils soutiennent le général Hemedti. Ou au Mozambique, où son opération n’a duré que quelques semaines après de nombreuses pertes.
Finalement, il n’y a qu’en Centrafrique que l’homme peut se targuer d’avoir repoussé les rebelles qui menaçaient la capitale et d’avoir reconquis les principales agglomérations du pays. Tout comme au Mali où le nombre de victimes civiles augmente sans qu’un véritable recul des djihadistes ne soit perceptible, au contraire.
rfi