Des manifestations contre Bachar al-Assad reprennent dans le sud de la Syrie

Les habitants de la province de Soueida, berceau de la minorité druze en Syrie, manifestent depuis la mi-août dans le sud du pays. Une colère nourrie par la hausse vertigineuse du coût de la vie après la fin des subventions gouvernementales sur les carburants, mais qui a pris un tournant politique. D’autres régions expriment leur soutien.

« À bas Bachar al-Assad le traître », scandaient en chœur, mardi 29 août, des manifestants de Soueida, province druze du sud de la Syrie. Située dans une des zones sous le contrôle de l’État, la ville est le théâtre de protestations pour réclamer la chute du régime de Bachar al-Assad depuis la mi-août. Dans un contexte de forte détérioration des conditions de vie dans le pays, le mouvement a été déclenché par la levée des subventions gouvernementales sur le carburant. En quelques jours, les revendications ont pris une tournure politique.

Jusqu’ici, les manifestations n’ont pas été réprimées et les protestataires se sont attaqués à des symboles du pouvoir, fermant les permanences du parti Baas et déchirant des portraits du dirigeant syrien, ont indiqué deux activistes à l’AFP. « Les gens ont compris qu’il n’y aurait pas de solution économique sans une solution politique », a déclaré un militant ayant participé au rassemblement.

« Aujourd’hui en Syrie, le salaire d’un professeur lui permet à peine de se payer une bonbonne de gaz », dénonce l’activiste franco-syrien Firas Kontar, lui-même originaire de Soueida. Après douze ans de guerre, plus de 90 % de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU.

« Les Syriens sont en train de mourir à petit feu. Les gens de Soueida se demandent s’il y a encore un avenir pour eux dans ce pays et il y a une fuite massive des jeunes à l’étranger », poursuit Firas Kontar, l’auteur de « Syrie, La Révolution impossible ». Pour l’activiste franco-syrien, rien d’étonnant à ce que les Syriens reprennent le chemin des manifestations : « Tout ce qui a abouti à la contestation de 2011 est encore là. Pire encore. Les causes de cette contestation sont amplifiées par un pays en ruines, des infrastructures détruites et un État syrien qui ne fonctionne pas dans les faits. »

Soueida, terre de résistance
Jusqu’à présent, Soueida a été relativement épargnée par la répression sanglante des autorités pro-Assad depuis le conflit de 2011 en Syrie. Des manifestations s’y sont cependant déroulées régulièrement et en décembre, un manifestant et un policier ont été tués dans la province lorsque les forces de sécurité ont réprimé une manifestation.

« Des manifestations ont eu lieu à Soueida dès 2011, mais le régime a organisé une répression très différente entres les zones des minorités et celles de la majorité sunnite pour se présenter comme protecteur de ces minorités. Donc il n’y a pas eu d’effusion de sang à Soueida durant ces manifestations », rappelle Firas Kontar.

Depuis douze ans, la région n’en reste pas moins une terre de résistance au régime de Bachar al-Assad. « Soueida est une des zones où l’emprise du régime est le plus faible », explique Firas Kontar. En cause, la formation d’une milice locale, les Hommes de la Dignité, qui a pris les armes pour défendre la province et empêcher l’enrôlement des jeunes de la région dans l’armée régulière. « À chaque fois qu’Assad arrêtait un jeune originaire de Soueida, ces milices arrêtaient aussi des hommes d’Assad et les échangeaient contre la personne arrêtée de la région de Soueida », imposant ainsi « un rapport de force avec le régime », détaille l’activiste.

Des dizaines de milliers de jeunes hommes de Soueida ont ainsi refusé d’effectuer leur service militaire depuis 2011, et les forces de sécurité y ont une présence limitée encore aujourd’hui.

De Soueida à Deraa, le berceau du soulèvement de 2011
Seule Soueida continue d’être agitée par des protestations quotidiennes, selon l’AFP. Mais ces dernières semaines, les manifestations avaient aussi gagné d’autres villes syriennes de la province de Deraa, le berceau du soulèvement populaire en 2011, a constaté l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni et disposant d’un vaste réseau de sources en Syrie.

À Bosra, contrôlée par les factions syriennes ayant conclu des accords de « réconciliation » avec Damas depuis 2018, des dizaines d’habitants ont scandé, le 25 août, des slogans hostiles au président Bachar al-Assad. Des protestataires portaient des banderoles proclamant : « Dégage, on veut vivre » et « Rester silencieux aujourd’hui revient à perpétuer la tyrannie », toujours selon l’AFP.

Le mécontentement face à la cherté de la vie s’est aussi brièvement propagé à la banlieue de Damas, où des habitants ont manifesté mi-août contre les coupures d’électricité chroniques, selon un témoin.

Silence dans la rue, mais des messages de soutien
« Dans d’autres régions sous emprise sécuritaire, les gens continuent d’exprimer leur solidarité en envoyant des messages de soutien aux révolutionnaires de Soueida sur des petits bouts de papier qu’ils filment devant des monuments des villes de Homs ou de Lattaquié », affirme Firas Kontar.

S’il est difficile de prédire jusqu’où s’étendra le mouvement, « la clé sera de regarder ce qui se passe dans les zones loyales et à Damas », estime Jihad Yazigi, directeur du site économique en ligne « The Syria Report ».

Pour Firas Kontar, en contact permanent avec les activistes dans le pays, il n’est pas exclu que le mouvement s’étende aux zones alaouites syriennes, qui « subissent les mêmes privations ».

 AFP

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