Brésil : poursuite du « procès du siècle » crucial pour les autochtones

La Cour suprême du Brésil a poursuivi mercredi les débats d’un procès crucial pour les peuples autochtones, dont le verdict pourrait affecter leur droit à occuper leurs territoires ancestraux, dans des réserves considérées comme un rempart face à la déforestation.

Le « procès du siècle », comme l’intitulent les défenseurs des peuples indigènes, avait été suspendu début juin, après un premier report en septembre 2021, et a repris mercredi.

Les onze magistrats de la plus haute juridiction du pays votent pour valider ou rejeter le « cadre temporel », une thèse qui ne reconnaît comme terres revenant de droit aux autochtones que celles qu’ils occupaient au moment de la promulgation de la Constitution en 1988.

« Le cadre temporel ne prend pas en compte notre droit fondamental d’occuper nos territoires ancestraux, un droit reconnu par la Constitution, met en péril des réserves déjà homologuées et empêche la démarcation de nouvelles réserves », a dit à l’AFP l’avocat Dinamam Tuxa, de l’Association des peuples indigènes du Brésil (APIB).

Quelque 800 indigènes, dont Me Tuxa, ont défilé mercredi à Brasilia jusqu’à la Cour suprême où ils ont installé un écran géant pour suivre les débats. Le chef Raoni Metuktire, militant des droits des indigènes internationalement reconnu, était également présent.

Mercredi soir, seuls quatre juges avaient voté : deux se sont montrés favorables à cette thèse soutenue par le lobby de l’agro-négoce, et les deux autres l’ont rejetée.

Les délibérations se poursuivront jeudi pour le vote des sept juges restants.

Dans un communiqué mercredi, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a averti que la légitimation éventuelle de cette thèse « constituerait un grave recul pour les droits des peuples indigènes au Brésil et serait contraire aux normes internationales en matière de droits de l’homme ».

– Remparts contre la déforestation –

Le procès, qui devrait faire jurisprudence, porte plus précisément sur le cas du territoire Ibirama-Laklano, dans l’Etat de Santa Catarina (sud), qui a perdu son statut de réserve indigène en 2009, à la suite d’un jugement d’une instance inférieure.

Les juges avaient alors justifié leur décision en expliquant que ces terres n’étaient pas occupées par les autochtones en 1988.

Le Brésil compte au total 764 territoires indigènes déjà délimités, mais près d’un tiers d’entre eux n’ont pas encore été officiellement homologués.

L’homologation de nouvelles réserves était au point mort durant le mandat du président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), qui a tenu sa promesse de ne « pas céder un centimètre » de terres aux autochtones.

Mais le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, de retour au pouvoir en janvier, en a homologué six en avril et a promis de faire avancer encore ce processus.

De nombreux scientifiques considèrent que ces réserves constituent des remparts contre la déforestation, en raison du mode de vie traditionnel des indigènes, plus respectueux de l’environnement.

Selon le dernier recensement, réalisé l’an dernier, le Brésil compte près d’1,7 million d’autochtones.

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