La justice européenne rejette la plainte d’une famille de Syriens contre Frontex

Une famille de Kurdes de Syrie avait accusé l’agence européenne des garde-frontières de les avoir refoulés illégalement par avion de la Grèce vers la Turquie en 2016. Ils réclamaient 140 000 euros d’indemnisation pour le préjudice subi. Mercredi, la justice a rejeté leur demande. Et pointe du doigt la responsabilité de la Grèce dans cette affaire.

La justice européenne a rejeté mercredi 6 septembre la demande d’indemnisation introduite contre Frontex par une famille de Syriens. Les plaignants accusent l’agence européenne de surveillance des frontières de les avoir refoulés illégalement de Grèce vers la Turquie en 2016. La justice ne leur a finalement pas donné raison et estime que Frontex n’est pas responsable de leur préjudice.

C’est la première fois que la justice européenne se prononce sur une telle demande, alors que les pratiques de refoulements illégaux de migrants aux frontières extérieures de l’UE sont régulièrement dénoncées par des organisations internationales et rapportées dans les médias.

La famille, des Kurdes de Syrie et leurs quatre enfants en bas âge, réside désormais en Irak. Elle était arrivée en 2016 sur une île grecque, au moment de l’afflux de réfugiés en Europe provoqué par le conflit syrien. Ils ont été renvoyés vers la Turquie dans un vol organisé conjointement par la Grèce et Frontex alors que leur demande d’asile n’avait pas encore été traitée, selon leurs avocats. Ils réclamaient plus de 96 000 euros au titre du préjudice matériel subi, et 40 000 euros au titre du préjudice moral.

« Frontex a seulement apporté un soutien technique »
Dans sa décision, le Tribunal de l’UE pointe du doigt la responsabilité de la Grèce. Et insiste sur le fait que les Etats membres sont « seuls compétents pour apprécier le bien-fondé des décisions de retour et examiner les demandes de protection internationale ». « En ce qui concerne les opérations de retour, Frontex a seulement pour mission d’apporter un soutien technique et opérationnel », poursuit cette juridiction.

« C’est donc à tort que les réfugiés en cause considèrent que, sans les prétendus manquements de Frontex, ils n’auraient pas été illégalement refoulés vers la Turquie », estime le Tribunal. La responsabilité de la Grèce dans cette affaire a par ailleurs été engagée devant la Cour européenne des droits de l’homme et donné lieu à un règlement amiable, selon les avocats.

En mars 2022, un Syrien a aussi déposé un recours devant la justice européenne contre Frontex pour un refoulement dans les eaux de la mer Égée. Il réclame 500 000 euros d’indemnisation. Le jour des faits, le 28 avril, Alaa Hamoudi est arrivé avec une vingtaine d’autres demandeurs d’asile sur l’île de Samos, en Grèce, avant d’être renvoyés « par les autorités » sur un canot pneumatique surchargé, selon lui. Ils ont alors été abandonnés en mer pendant 17 heures, tandis qu’un avion « de Frontex surveillait la situation ». Puis ils ont été repoussés vers la Turquie, où le requérant vit désormais.

Frontex régulièrement accusé
Frontex a, ces dernières années, été plusieurs fois accusée de complicité dans les refoulements de migrants de la Grèce vers la Turquie. En Méditerranée centrale aussi, l’agence est aussi pointée du doigt pour son rôle dans les interceptions de canots par les garde-côtes libyens.

En juillet – quelques semaines après le terrible naufrage en Grèce d’un bateau de 600 personnes – la médiatrice de l’UE, Emily O’Reilly, a également ouvert une enquête pour « clarifier le rôle » de l’agence européenne dans cette opération de sauvetage. Emily O’Reilly veut notamment se pencher sur le partage d’informations entre Frontex et les autorités grecques en matière de recherche et de sauvetage. Elle coordonne son enquête avec le médiateur grec, Andreas Pottakis, qui a « la compétence d’examiner » la façon dont Athènes s’est occupé du chalutier.

L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dont le précédent directeur exécutif avait démissionné en avril 2022 à la suite notamment d’accusations de complicité dans des refoulements de migrants, a assuré « continuer à mettre en place davantage de garde-fous pour s’assurer que les droits des personnes sont pleinement respectés ».

L’agence a déclaré sur X (ex-Twitter) qu’elle demandait « désormais aux Etats membres de confirmer que les personnes ont reçu des décisions de retour exécutoires, qu’elles ont eu la possibilité de demander une protection internationale et que leurs demandes ont été correctement traitées ».

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