Depuis plusieurs décennies maintenant, notre Planète se réchauffe. Sous l’effet de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais elle ne se réchauffe pas uniformément. Les scientifiques s’attendaient à ce que les pôles soient plus touchés. Ils l’avaient déjà prouvé concernant l’Arctique. Ils montrent aujourd’hui que l’Antarctique aussi se réchauffe plus vite que la moyenne.
Ce type d'épisode froid correspond à une situation météorologique favorisant une arrivée d'air arctique.
Que se passe-t-il dans cette région?— Dr Valérie Masson-Delmotte (@valmasdel) April 3, 2022
Mais pour l’Antarctique, les choses restaient bien moins claires. D’abord parce que les données météorologiques disponibles ne couvrent que les 50 dernières années. Et parce qu’elles sont, en plus… parcellaires. « En Antarctique, il n’existe qu’une vingtaine de stations météo qui mesurent les températures. Alors même que le continent est plus vaste que l’Europe », nous précise Mathieu Casado en introduction. Et il sait de quoi il parle parce qu’il est chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA, CNRS, UVSQ) et que l’Antarctique, c’est sa région de prédilection.
Autre point de débat, le fait que la plupart des stations météo de l’Antarctique, situées sur les côtes, n’ont pas enregistré le phénomène d’amplification. « Seules quelques stations à l’intérieur des terres, comme celle du pôle Sud, semblent montrer un réchauffement important. Les reconstructions climatiques qui combinent les données météo et les interpolations faites avec des modèles montrent, quant à elle, un réchauffement tout à fait dans la moyenne », explique Mathieu Casado.
Les carottes de glace révèlent le réchauffement de l’Antarctique
POUR savoir enfin si l’Antarctique subit le phénomène d’amplification polaire, le chercheur a décidé d’aller fouiller dans les enregistrements de température de quelque 80 carottes de glace. Celles enregistrées dans la base du projet international Pages — pour Past Global Changes. Une base de données construite à partir de carottes de glace issues de différentes régions de l’Antarctique et recueillies sur ces 40 dernières années. « Nous avons pu retracer les températures de l’Antarctique sur les 1 000 années écoulées », nous précise Mathieu Casado.
Pour interpréter toutes ces données, les chercheurs se sont aidés de quelques bases de la statistique. Leur conclusion : le réchauffement de l’Antarctique dépasse la variabilité naturelle et il est deux fois plus rapide que dans le reste du monde. La réputation de l’amplification polaire est donc sauve. « Même si elle l’est moins que dans l’Arctique — la théorie l’avait annoncé —, nous la détectons de manière significative dans nos travaux », souligne Mathieu Casado.
Pour fixer les idées, il nous rappelle que le Giec évalue le réchauffement global dû aux activités humaines à quelque chose entre +0,14 et +0,18 °C par décennie. « Dans l’Antarctique, la tendance depuis les années 1950 se situe plutôt quelque part entre +0,22 et +0,32 °C par décennie. »
DES CHERCHEURS DU CNRS ET DE L’ALFRED WEGENER INSTITUTE (ALLEMAGNE) MONTRENT QUE L’ANTARCTIQUE SE RÉCHAUFFE PLUS VITE QUE LA MOYENNE MONDIALE.
« Les modèles climatiques, eux, prévoient un réchauffement de +0,18 °C par décennie sur l’Antarctique. Même s’ils sont très performants au niveau global, ils sous-estiment clairement ce qui se passe dans cette région, remarque le chercheur. Parce qu’il est très difficile pour un modèle d’être performant à la fois à l’échelle mondiale et à l’échelle régionale ».
Et c’est justement dans l’espoir de faire progresser un peu plus la science du climat que Mathieu Casado va désormais se concentrer sur un projet européen, le projet Samir. Son objectif : travailler sur une trentaine de carottes de glace, toutes prélevées autour de la station franco-italienne Concordia. « Pour obtenir des données très locales, extraire un signal de réchauffement à cette échelle-là et essayer de comprendre comment l’échelle locale, l’échelle régionale et l’échelle globale s’articulent ».
En attendant, les chercheurs, une fois de plus, tirent la sonnette d’alarme. « Les prévisions d’augmentation du niveau de la mer, rappellent-ils, sont très sensibles à de petits changements de température. Les conséquences de nos émissions de gaz à effet de serre sur l’endroit le plus reculé du Globe — et par rebond, sur l’ensemble de la planète — pourraient être désastreuses ».