MOXIE, un instrument qui accompagne le rover de la NASA depuis son arrivée sur Mars, a terminé son travail : il a prouvé qu’il était possible de produire de l’oxygène directement à partir de l’atmosphère de Mars.
Perseverance, le protagoniste du programme Mars 2020 de la NASA, est surtout connu pour sa mission principale qui consiste à rechercher des traces de vie sur la planète voisine. Mais le rover vient aussi de boucler une expérience de longue durée qui pourrait s’avérer importante pour le futur de la colonisation spatiale ; il a montré qu’il était possible d’extraire de l’oxygène à partir de l’atmosphère irrespirable de la Planète rouge.
Pour y parvenir, Perseverance s’est appuyé sur Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment, ou MOXIE pour les intimes. C’est un appareil de la taille d’un four à micro-ondes a produit plusieurs fournées de ce gaz vital pour les humains depuis l’arrivée de Perseverance en 2021. Le 7 septembre, elle a accouché de sa dernière fournée, mettant fin à cette longue expérience.
Comment fonctionne MOXIE ?
Pour produire de l’oxygène, MOXIE commence par prélever du dioxyde de carbone, qui est omniprésent dans l’atmosphère de Mars.
Comme son nom l’indique, chaque molécule de ce gaz est constituée d’un atome de carbone et de deux atomes d’oxygène. Sur le papier, il suffit donc de se débarrasser du carbone et de récupérer l’oxygène restant.
Mais si le concept en lui-même est simple comme bonjour, l’opération en elle-même est tout sauf triviale. En effet, après avoir purifié et compressé ce gaz, il faut le transmettre à un électrolyseur qui opère à une température d’environ 800 °C. Or, produire autant de chaleur à bord d’un rover ne s’improvise pas, car il faut absolument protéger le reste des instruments de cette fournaise.
Pour y parvenir, la NASA a dû développer une enclave isolante exceptionnellement performante et très sophistiquée. Les ingénieurs ont opté pour des alliages de nickel et des revêtements en or pur. Ces derniers sont connus pour leur capacité à refléter très efficacement de nombreux types rayonnements.
C’est pour cette raison qu’ils sont utilisés sur les visières des combinaisons spatiales pour protéger les yeux des astronautes des rayons non filtrés du Soleil, ou sur les miroirs du James Webb Space Telescope pour rediriger les rayonnements infrarouges vers ses capteurs.
Mais cette couche d’or ne se suffit pas à elle-même. Il fallait encore une couche de protection thermique supplémentaire capable de barrer la route aux rayonnements résiduels.
La NASA a opté pour un aérogel. Il s’agit d’une famille de matériaux microporeux, structurés comme des éponges dont les trous seraient microscopiques et occuperaient 99,8 % de son volume total.
Ces cavités ont la capacité d’emprisonner des particules de gaz, d’où le terme d’aérogel. Il en résulte des propriétés fascinantes, à commencer par une conductivité thermique extrêmement faible. En d’autres termes, ce sont des isolants exceptionnellement performants.
Grâce à cet agencement, la NASA a pu mettre en place les conditions nécessaires à l’électrolyse. Une fois le gaz chauffé, l’appareil fait circuler un puissant courant électrique dans la chambre de réaction pour arracher les molécules de carbone.
Ce procédé produit un mélange de dioxygène, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone dont MOXIE doit ensuite mesurer la composition exacte afin de le purifier.
Quelle quantité d’oxygène a été produite ?
La NASA n’a pas dévoilé le rendement de l’opération. En revanche, elle indique qu’à plein régime, MOXIE a produit environ 12 grammes d’oxygène par heure. Au total, l’agence a procédé à une dizaine de tests en deux ans, pour une production totale de 122 grammes d’oxygène pur à 98 %. Cela correspond à peu près à la quantité consommée par un petit chien pendant une dizaine d’heures.
Dans l’absolu, il s’agit donc d’un maigre butin. Mais ce n’est qu’une preuve de concept dont l’objectif n’était pas de produire de l’oxygène en quantités industrielles. La NASA cherchait surtout à vérifier la viabilité de son procédé et à s’assurer que l’appareil (et surtout la couche d’aérogel) pourrait tenir le coup sur la durée. MOXIE a rempli tous ces objectifs, et la NASA a donc qualifié l’expérience de grand succès.
Désormais, tout l’enjeu va être de produire un prototype au rendement plus élevé qui pourrait subvenir aux besoins d’une colonie extraterrestre.
L’utilisation des ressources in-situ, clé de la colonisation spatiale
Si la NASA continue de travailler sur ce genre de projets, c’est parce que l’utilisation des ressources locales est une condition sine qua non de la colonisation interplanétaire. En effet, il est tout simplement inenvisageable d’envoyer des tas de fusées-cargo pour alimenter les futures bases spatiales. C’est à la fois une question de logistique, mais aussi de sécurité, puisque les astronautes ne pourront pas se permettre de dépendre de ces livraisons ; ils devront absolument être en mesure de produire leurs propres ressources.
C’est particulièrement important pour l’oxygène. Car en plus de permettre aux humains de respirer, il sert aussi d’oxydant dans la quasi-totalité des réactions de combustion des moteurs des fusées. En d’autres termes, l’humanité devra absolument produire son oxygène sur place non seulement pour survivre, mais aussi pour envisager un voyage retour.
À l’heure actuelle, la piste la plus prometteuse reste la réaction de Sabatier, qui est déjà utilisée à bord de l’ISS. Elle permet de convertir du dioxyde de carbone et de l’hydrogène en eau.
Cette dernière peut être utilisée en l’état ou électrolysée pour produire de l’oxygène et du méthane, qui pourrait servir à alimenter des moteurs-fusées methalox comme les Raptors du Starship de SpaceX.
Le procédé déjà parfaitement maîtrisé, et occupera sans doute une place importante dans les futures bases lunaires et martiennes. Mais il n’est pas forcément adapté à tous les cas de figure. Dans certains cas, il pourrait être plus intéressant de produire directement de l’oxygène sans devoir passer par une électrolyse très coûteuse en énergie — une contrainte de premier plan pour les futures colonies.
C’est pour cette raison que la NASA travaille sur des concepts comme MOXIE, qui permet d’extraire directement de l’oxygène de l’atmosphère martienne. D’autres pistes sont aussi explorées, notamment la production d’oxygène directement du régolithe lunaire ou martien, qui contiennent de nombreux minéraux à base de silice ou de métaux oxydés.
Aucun de ces projets n’est encore arrivé à maturité, mais le succès de MOXIE est un pas dans cette direction. Il sera très intéressant de suivre le développement de toutes ces technologies plus discrètes que les mégafusées de SpaceX et consorts, mais au moins aussi importantes pour le futur de notre civilisation.
journaldugeek