Destructions volontaires? La désinformation s’embrase dans la foulée des incendies en Amérique du Nord

Les incendies dévastateurs qui ont ravagé des villes aux Etats-Unis et au Canada ont provoqué une flambée de désinformation en ligne, la dernière théorie pointant du doigt la responsabilité supputée de projets de « villes intelligentes » connectées.

Sur les réseaux, des internautes allèguent que les feux qui ont détruit des villes ou des quartiers entiers cet été ont été volontairement déclenchés par les autorités afin de faire table rase pour installer ces nouvelles technologies urbaines.

« Quelles étaient les chances d’avoir deux incendies dans deux endroits différents, dans une même semaine, alors que ces deux villes ont lancé des initiatives pour devenir des villes intelligentes? » s’interroge une femme dans une vidéo sur TikTok, faisant référence aux feux qui ont ravagé Lahaina à Haïwai et West Kelowna, dans l’Ouest canadien.

Certaines de ces vidéos étudiées par l’AFP ne sont plus disponibles sur TikTok, mais des copies circulent sur Facebook, Instagram ou encore X (ex-Twitter).

« Il n’y a aucune raison de détruire des infrastructures pour les reconstruire de manière plus intelligente » et connectée, estime auprès de l’AFP Harvey Miller, urbaniste à l’Université d’Etat de l’Ohio.

La ville canadienne de Kelowna a bien publié une stratégie de « ville intelligente » en 2020, mais rien n’indique que des destructions ont été provoquées dans ce but, une assertion pourtant vue des millions de fois sur différentes plateformes.

Ces projets de villes connectées, favorisant notamment les transports publics, ont mauvaise presse aux Etats-Unis, un sondage de 2022 affirmant que la moitié des Américains ne souhaiteraient pas y vivre.

– Projet retiré à Toronto –

Des théories similaires ont circulé en ligne après d’autres désastres en Amérique du Nord, notamment après l’ouragan Idalia en Floride et un déraillement de train ayant entraîné une pollution dans l’Ohio.

Au Canada, les projets de villes intelligentes sont souvent accusés par certains d’être motivés par des intentions de restriction des libertés liées au climat ou à l’élimination de l’argent liquide.

Des rumeurs qui se traduisent parfois dans la vie réelle, comme à Bridgewater, une petite ville de l’Est du Canada, qui après avoir participé à un concours de « villes intelligentes » a été ciblée par une série d’allégations mensongères.

Des internautes assuraient notamment que le projet réduirait la liberté de mouvement des habitants, racontait le maire à l’AFP – alors que le projet concernait la rénovation thermique des bâtiments et l’amélioration des transports publics – ce qui a créé des peurs au sein de la population.

Mais au-delà des théories abracadabrantesques, ces projets d’aménagement urbain soulèvent des débats légitimes, reprend le chercheur Harvey Miller, notamment sur la protection de la vie privée.

« Vous ne pouvez pas quadriller une ville avec des caméras à haute résolution, en temps réel, sans créer la possibilité d’identifier et de suivre les individus », explique-t-il.

Google a ainsi abandonné un projet à Toronto, notamment parce que le géant américain n’a pas su répondre aux inquiétudes sur la protection des données personnelles.

Andrew Smyth, spécialiste de la question à Columbia University, dit ainsi travailler à des technologies de protection des données dans les projets sur lesquels il travaille, à New York ou en Floride.

« Je ne suis pas au courant de mauvaises intentions dans le mouvement des villes intelligentes », dit-il. « Il n’y a pas vraiment de raisons pour lesquelles ces villes voudraient davantage de contrôle – elles cherchent des gains d’efficacité ».

AFP

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