L’Antarctique aussi se réchauffe plus vite que le reste de la planète

Comme l’Arctique, le pôle Sud subit une augmentation de sa température plus rapide que dans les zones tropicales et tempérées. Baptisé « amplification polaire », ce phénomène devrait avoir une influence sur la hausse du niveau des mers.

C’était jusqu’ici une bizarrerie qui imposait au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) de juger de « faible confiance » les résultats portant sur la hausse des températures sur l’Antarctique. Les 23 stations météorologiques couvrant les 14 millions de km2 du continent du pôle Sud (soit 50% de plus que l’Europe) ne révèlent en effet un impact du changement climatique anthropique que dans l’ouest et la péninsule antarctique et peu de modifications dans l’est.

La reconstruction à partir de carottes de glace des 1000 dernières années de températures remet les pendules à l’heure : si elle est moins marquée qu’en Arctique, la hausse des températures est bien deux fois plus rapide au pôle Sud que dans les zones tempérées et tropicales, selon l’article titré « La difficulté de détecter la signature du changement climatique dans l’Antarctique » (en français) que vient de publier Nature climate change.

Cette difficulté est bien réelle. Tout d’abord parce que les stations météo sont bien trop peu nombreuses et installées pour leur majorité que depuis trois à quatre décennies pour pouvoir révéler des tendances de long terme, ensuite, à cause des particularités du climat local marqué par une ceinture de vents puissants tournant autour du continent.

« À l’échelle du continent, la signature d’un changement climatique anthropogénique sur les dernières décennies a été détectée mais pas concrètement identifiée ni quantifiée par les observations directes, à cause de la faible disponibilité d’enregistrements peu nombreux et du fait de l’impact majeur de la variabilité climatique de l’Antarctique, en particulier la signature décennale du fonctionnement des vents dans la région », résume Mathieu Casado, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE, IPSL/université Paris-Saclay) et auteur principal d’un travail mené au sein du LSCE.

Une ceinture de vents violents qui s’éloigne et se rapproche du continent blanc

Le Southern Annular Mode (SAM) brouille particulièrement les mesures effectuées sur le continent du fait d’une périodicité trop longue pour pouvoir être prise en compte par des stations météo récentes. La distance entre ces vents puissants et la côte antarctique varie en effet sur de longues périodes. Quand ceux-ci sont proches du continent, ils apportent plus de chaleur et plus d’humidité, constituant ainsi l’apport principal en énergie d’une zone qui reçoit peu de rayonnement solaire. 

« C’est cette alternance de périodes d’éloignement et de rapprochement des vents qui rend difficile la détection d’une évolution des températures », explique Mathieu Casado. Ainsi, sur les 23 stations météo en service actuellement, trois seulement sont installées à l’intérieur des terres. « Et sur ces trois sites, deux révèlent une augmentation des températures de 0,6°C par décennie, soit trop peu de mesures pour en tirer des conclusions », déplore le climatologue.

Pour contourner l’obstacle, l’équipe du LSCE a analysé 78 carottes de glace issues de sept régions différentes du continent disponibles grâce au programme international Past Global Changes (PAGES) qui met en commun et coordonne les recherches sur les climats du passé. « Les isotopes de l’eau varient suivant la température atmosphérique, ce qui nous a permis de reconstituer plus de 1000 ans de variation climatique et surtout d’identifier l’impact du changement climatique et son ampleur », résume Mathieu Casado.

Leurs résultats consolidés par les analyses statistiques confortent l’amplification polaire au sud. Les chercheurs ont détecté une hausse de 0,22°C à 0,32°C par décennie, soit une augmentation deux fois plus importante que celle mesurée en moyenne sur le globe de 0,14°C à 0,18°C par décennie. C’est cependant moindre que pour l’Arctique où la hausse est quatre fois supérieure à la moyenne mondiale, ceci vraisemblablement pour des raisons de configuration géographique.

Les modèles climatiques devront prendre en compte une hausse plus importante du niveau des mers

Les chercheurs du LSCE font remarquer que les modèles climatiques n’arrivent pas à prendre en compte ce phénomène dans leurs calculs, notamment dans leurs prévisions de hausse du niveau des mers à la fin du siècle. « Il est vraisemblable qu’il va falloir revoir ces prévisions qui pourraient être bien plus graves que celles qui donnent aujourd’hui de 70 centimètres à un mètre de hausse du niveau à la fin du siècle« , table Mathieu Casado.

Ces travaux ne mettent évidemment pas fin au sujet et d’autres mesures, d’autres méthodes permettront d’affiner ou de corriger ces résultats. L’équipe du LSCE entend poursuivre ses observations sur des carottages effectués à la station Concordia de l’Institut polaire français. Après une reconstitution régionale et globale, l’enjeu de ces projets est de comprendre les variations climatiques au niveau local.

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