Le Conseil d’État belge a suspendu mercredi la décision controversée du gouvernement de ne plus fournir d’hébergement aux hommes seuls demandant l’asile. Pourtant, la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration a d’ores et déjà annoncé que sa « politique ne changer[ait] pas », et que la priorité sera donnée aux femmes et aux enfants dans les centres d’accueil.
Revers pour le gouvernement belge. Le Conseil d’État a estimé mercredi 13 septembre que la mesure consistant à interdire l’hébergement aux hommes seuls demandant l’asile en Belgique est contraire à la loi. « Le Conseil d’État juge, à ce stade de la procédure, que cette décision ne respecte pas le droit à l’accueil conféré à tous les demandeurs d’asile par la loi du 12 janvier 2007 », explique sur son site la haute juridiction administrative.
La plus haute juridiction administrative du pays nous donne victoire et suspend la décision du gouvernement de suspendre l'accueil pour les hommes isolés!
Lien vers le site du CE: https://t.co/ewDkHkiPVi pic.twitter.com/8rO7SVkf9z
— CIRÉ asbl (@CIREasbl) September 13, 2023
La décision d’exclure les hommes seuls du réseau d’accueil avait été annoncée par la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor, le 29 août, afin de laisser de la place aux familles. Depuis deux ans, les centres d’hébergement belges sont saturés, notamment l’hiver, et de nombreuses personnes, dont des enfants, se retrouvent contraints de dormir dans la rue.
« Une ligne rouge a été franchie »
Avec cette mesure, la secrétaire d’État entendait « anticiper un afflux croissant de familles » cherchant refuge en Belgique et vouloir « éviter absolument que des enfants se retrouvent à la rue cet hiver ». L’augmentation des débarquements en Italie cet été fait craindre à Bruxelles une hausse du nombre d’arrivées de migrants dans le pays.
La mesure, défendue par le Premier ministre Alexander De Croo, avait était très critiquée par l’aile gauche de la coalition au pouvoir (socialistes et écologistes) et l’exécutif de la région de Bruxelles, qui avait pointé du doigt l’aide insuffisante du niveau fédéral pour mettre à l’abri les « très nombreux » SDF, étrangers ou non.
Le 6 septembre, huit ONG impliquées dans le soutien aux exilés avaient saisi le Conseil d’État pour suspendre cette décision, jugée illégale. « Une ligne rouge a été franchie et il est de notre devoir de la remettre en question », expliquait dans un communiqué l’une des associations requérantes, le Vluchtelingenwerk Vlaanderen.
Les humanitaires avaient également rappelé que la loi offre des solutions pour mieux accueillir les exilés, notamment l’activation d’un plan de répartition obligatoire dans toutes les communes belges. « Si chaque commune accueille seulement cinq personnes supplémentaires, plus personne ne dormirait à la rue (…) et la crise actuelle serait résolue », avaient-ils insisté.
« Ma politique ne changera pas »
Malgré le jugement sans appel du Conseil d’État, Nicole de Moor semble faire fi de la décision de justice. « Il n’y a pas de places supplémentaires », a-t-elle affirmé sur X (ex-Twitter). « La suspension du Conseil d’État ne signifie pas que nous avons soudainement de la place pour tout le monde. Ma politique ne changera donc pas : la priorité absolue va aux familles et aux enfants ».
Geen plaatsen op overschot. Schorsing Raad van State zorgt niet dat we opeens wel plaats hebben voor iedereen. Mijn beleid zal dus niet veranderen: absolute prioriteit gaat naar gezinnen en kinderen.
— Nicole de Moor (@Nicole_demoor) September 13, 2023
Ces dernières années, l’État a été épinglé des milliers de fois par la justice belge pour ses manquements vis-à-vis de l’accueil des demandeurs d’asile. En juillet dernier, c’est la Cour européenne des droits de l’Homme qui a condamné Bruxelles après la plainte d’un demandeur d’asile guinéen. Celui-ci n’avait pas pu obtenir de place d’hébergement auprès des autorités, et a été contraint de dormir dehors pendant plus de quatre mois.
En dépit de ces nombreuses condamnations, le gouvernement maintient pourtant la même politique d’accueil. Ce sentiment d’impunité inquiète les associations. « Les autorités donnent l’impression que ce n’est pas grave et tout à fait acceptable de violer la loi et de ne pas respecter les décisions de justice », déplore Jessica Blommaert, du Ciré, association belge d’aide aux migrants.
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