La Tunisie interdit la visite d’eurodéputés sur fond de discussions autour de l’accord migratoire

Tunisia's President Kais Saied, Italian Prime Minister Giorgia Meloni, European Commission President Ursula von der Leyen, and Dutch Prime Minister Mark Rutte shake hands during the signing of a "strategic partnership" agreement between Tunisia and EU, in Tunis, Tunisia July 16, 2023. Tunisian Presidency/Handout via REUTERS ATTENTION EDITORS - THIS IMAGE WAS PROVIDED BY A THIRD PARTY. NO RESALES. NO ARCHIVES.

Tunis a refusé l’entrée sur son territoire à cinq élus du Parlement européen, qui dénoncent en retour l’attitude du très autoritaire président Kaïs Saïed, malgré un accord signé en juillet.

Ils n’auront même pas décollé. Tandis qu’ils devaient se rendre à Tunis jeudi 14 septembre, cinq députés du Parlement européen se sont vus refuser l’entrée sur le territoire tunisien. Pour l’heure, les autorités tunisiennes n’ont donné aucune motivation pour leur décision, se contentant d’adresser une sobre lettre à la délégation mercredi.

Sur place, les cinq députés de la Commission des Affaires étrangères – dont trois Français – qui composaient la délégation avaient pour mission de «mieux se rendre compte de la situation politique actuelle». Mais aussi de faire le point concernant l’accord sur les flux migratoires, signé à la mi-juillet entre l’Union européenne et la Tunisie. Emmenée par le député allemand Michael Gahler (PPE, chrétien-démocrate), la délégation avait prévu de rencontrer des membres de la société civile, des syndicalistes et des représentants de l’opposition tunisienne.

Interdits d’entrée, les représentants de Strasbourg ont dénoncé jeudi une attitude «sans précédent depuis la révolution démocratique de 2011», avant de réclamer à Tunis une «explication détaillée». À Strasbourg, la décision des autorités tunisiennes a du mal à passer. En refusant l’accès à des députés européens, le président Kaïs Saïed «se croit autorisé à choisir ses interlocuteurs parmi les Européens et pense qu’il n’a pas besoin des représentants du peuple pour toucher les centaines de millions que lui a promis Ursula von der Leyen», s’est insurgé le député Mounir Satouri (Verts), membre de la délégation.

Le groupe Socialistes et Démocrates du Parlement européen a de son côté réclamé la suspension «immédiate» du «partenariat migratoire». Parmi les inquiétudes : que l’Union européenne s’avère impuissante face à Tunis, les deux parties étant liées par la signature de l’accord. «C’est un modèle qui nous rend dépendant de systèmes autocratiques qui ensuite peuvent nous faire chanter», a regretté l’eurodéputé français Raphaël Glucksmann (groupe Socialistes et Démocrates). Allant dans son sens, l’élue française Valérie Hayer (Renew Europe) a déploré l’ouverture de «la voie au chantage».

Car au-delà de provoquer la colère des députés, l’incident diplomatique alimente surtout les débats autour du partenariat migratoire. Signé en grande pompe en juillet, le partenariat entre l’Union européenne et la Tunisie vise à «lutter contre l’immigration irrégulière». Inquiète de la hausse du nombre d’arrivées, notamment en Italie, l’UE a prévu une enveloppe de 105 millions d’euros pour aider la Tunisie à renforcer le contrôle de ses frontières. L’accord inclut des livraisons de bateaux, de radars mobiles, de caméras et de véhicules, ainsi qu’une coopération accrue pour lutter contre les réseaux de passeurs.

Accord migratoire controversé
Mais deux mois après sa signature, le plan est loin de faire l’unanimité chez les eurodéputés. Mardi, lors d’un débat houleux au Parlement européen, plusieurs d’entre eux n’ont pas hésité à exprimer leur ferme opposition. Du côté des Verts, la néerlandaise Tineke Strik a fustigé un «accord sale avec l’implacable dictateur Saied», faisant référence à la dérive autoritaire et les discours xénophobes du chef d’État. À droite et à l’extrême droite en revanche, on juge la mise en œuvre du partenariat insuffisante pour faire baisser le nombre d’arrivées en Europe.

Lors de son discours sur l’état de l’Union mercredi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a tenté tant bien que mal de défendre l’accord, qu’elle était venue signer elle-même à Tunis en juillet dernier. Citant un «modèle pour des partenariats similaires à l’avenir», la présidente a assuré que le plan avait permis une augmentation des interceptions de bateaux et des sauvetages.

Mais plus de 7 000 personnes en provenance d’Afrique du Nord ont débarqué mardi et mercredi à Lampedusa, une des principales portes d’entrée vers l’Europe, soit l’équivalent de la population locale sur cette île, qui s’est déclarée en état d’urgence.

liberation

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