Selon une nouvelle étude intitulée “Early diagnosis of sickle cell disease at birth hospitals and vaccination centers in Angola using point-of-care tests” (Diagnostic précoce de la drépanocytose dans les maternités et les centres de vaccination en Angola, en utilisant des tests applicables sur place), des tests de dépistage systématique permettent de faire un diagnostic précoce de la drépanocytose chez les nouveau-nés.
Une équipe de chercheurs a évalué et comparé deux tests pratiqués sur place pour diagnostiquer les nourrissons de Luanda, en Angola. Ils ont utilisé les tests « Sickle SCAN » et « HemoTypeSC », et les deux se sont révélés fiables à plus de 95%.
Christine Briscoe, co-auteure de l’étude, qui travaille au département de pédiatrie de la Warren Alpert Medical School de Brown University et au Lifespan Comprehensive Sickle Cell Center, dans la ville de Providence, dans l’Etat de Rhode Island (Etats-Unis), explique à SciDev.Net que les dépistages pratiqués sur place sont de plus en plus fréquents pour beaucoup de maladies.
“Le ministère de la Santé et les programmes de santé ont reconnu que nous disposons de suffisamment d’arguments pour recommander ces tests, et ils préconisent de pratiquer ces dépistages sur place, dès la naissance et dans les cliniques de vaccination”
A l’en croire, l’utilisation de ce genre de test pour le dépistage de la drépanocytose chez les nouveau-nés est une avancée cruciale pour des pays comme l’Angola, qui ne bénéficient pas de campagnes de dépistage systématique.
« Notre choix s’est porté sur l’Angola en raison de l’incidence notable de la maladie, et parce qu’il n’y a pas de véritable système en place pour diagnostiquer la drépanocytose chez les nouveau-nés. », explique-t-elle.
Ce qui a le plus surpris les chercheurs, c’est la prévalence de la maladie en Angola. « Mais quand nous pratiquions les tests sur les bébés, la majorité des mères n’avaient jamais entendu parler de la drépanocytose », précise Christine Briscoe.
Les chercheurs ont voulu aussi étudier l’aspect pratique des deux tests évalués, qui sont très différents, tant dans leur utilisation que dans l’interprétation des résultats.
Les tests réalisés avec « Sickle SCAN » nécessitent sept minutes en moyenne, contre 15 minutes pour le test « HemoTypeSC ». Les résultats ont montré que les deux tests permettaient de poser un bon diagnostic : dans 98,3% des cas avec « Sickle SCAN », et 95,3% avec « HemoTypeSC ».
Comme l’explique Christine Briscoe, ces deux tests semblent très fiables, mais ils signifient aussi que sur 100 bébés diagnostiqués, au moins trois ne le sont pas correctement.
« Pour ce qui est du temps nécessaire aux tests, la différence de huit minutes peut paraître insignifiante, mais imaginez que vous êtes la seule infirmière à vous occuper de plus de 50 mères qui ont hâte de rentrer chez elles, et qui doivent attendre que leur nouveau-né subisse le test avant leur départ. Ces 8 minutes représentent une énorme différence », ajoute-t-elle.
Poser le diagnostic tôt
Interrogée par SciDev.Net, Julie Makani, chercheuse tanzanienne en médecine et professeure invitée à l’Imperial College London, en Angleterre, affirme que cette étude est cruciale car le dépistage sur place peut inciter les patients à venir à la clinique, ce qui est fondamental.
Elle ajoute que de telles études permettent aussi d’établir des statistiques. Selon cette dernière, il est vital de poser un diagnostic suffisamment tôt chez les enfants.
En effet, s’il y a un retard, il est possible qu’ils ne reviennent pas à l’hôpital et ne soient pas soignés. Elle ajoute que les dépistages sur place donnent de bons résultats, mais ils ne sont pas intégrés dans les systèmes de santé et, par conséquent, ils n’ont pas d’impact visible sur le terrain.
« Le ministère de la Santé et les programmes de santé ont reconnu que nous disposons de suffisamment d’arguments pour recommander ces tests, et ils préconisent de pratiquer ces dépistages sur place, dès la naissance et dans les cliniques de vaccination, parce que l’accouchement n’a pas forcément lieu là où habite la mère, ce qui peut rendre difficile de savoir ce qui se passe ensuite », fait savoir Julie Makani.
A l’en croire, l’intérêt de ces tests réside surtout dans l’augmentation significative du nombre de malades qui ont ensuite consulté à la clinique. Cependant, elle pense que différents points de vue sont nécessaires, par exemple ceux des prestataires de soins et de toutes les personnes qui travaillent dans le secteur de la santé, mais le plus important est de prendre en compte le point de vue des patients.
En effet, ce qui importe, à l’arrivée, ce ne sont pas les problèmes que rencontrent les médecins ou les chercheurs, mais les défis que doivent relever les enfants atteints de drépanocytose.
Education
Selon les données disponibles, plus de 300 000 nouveau-nés sont atteints chaque année de drépanocytose, plus de 75% de ces cas étant enregistrés en Afrique sub-saharienne. Dans cette région, jusqu’à 90% des enfants atteints de cette maladie meurent avant l’âge de cinq ans s’ils ne sont pas soignés.
Mary Adeturinmo, chercheuse honoraire à l’Imperial College London (chercheure en soins de santé et design), utilise l’art et le design pour visualiser l’impact des maladies.
Des expositions comme Design for Sickle Cell [Design pour la drépanocytose] ou des campagnes comme Dear Sickle Cell (Chère Drépanocytose), sont par exemple quelques-unes des techniques originales qu’elle utilise pour susciter une prise de conscience chez les malades.
Pour elle, beaucoup de problèmes sont liés à la méconnaissance de la drépanocytose, et le système de santé doit trouver les moyens d’intégrer le point de vue des patients à tous les niveaux décisionnels.
« On pourrait ainsi combler le fossé entre les besoins des communautés et les objectifs des prestataires de santé. L’éducation et la sensibilisation à la maladie peuvent être abordés de différentes manières », soutient-elle.
L’éducation dont les familles ont besoin doit reposer sur des faits réels et être exprimée en des termes simples et objectifs, renchérit Margarida Muhungo, de l’hôpital pédiatrique David Bernardino à Luanda, en Angola, co-auteure de l’étude.
Cela peut être réalisé par le biais de conférences, de débats et de colloques, et en utilisant les mass médias pour sensibiliser le plus grand nombre au problème posé par la drépanocytose, précise-t-elle.
Patrick T. McGann, hématologue et oncologue à Providence et principal auteur de l’étude, considère qu’il y a deux étapes cruciales (et plutôt simples) à respecter pour réduire le taux de mortalité extrêmement élevé lié à la drépanocytose en Afrique sub-saharienne.
Tout d’abord, le diagnostic doit être posé chez les nourrissons le plus tôt possible, avant l’apparition des complications souvent fatales de la maladie.
« Cela peut se faire par le biais de programmes de dépistage chez les nouveau-nés en procédant à un diagnostic précoce sur place, comme décrit dans cette étude réalisée en Angola », explique le chercheur.
La seconde étape, en cas de dépistage positif, « consiste à mettre en place un traitement préventif, par exemple à base de pénicilline, mais aussi d’hydroxyurée, un médicament oral relativement bon marché, à prendre quotidiennement, qui réduit de façon draconienne la morbidité et la mortalité associées à la drépanocytose partout dans le monde, notamment en Afrique », conclut-il.
scidev