L’ancienne directrice générale adjointe de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole a déposé une plainte au Parquet national financier jeudi 14 septembre, selon «le Monde».
Edouard Philippe aurait sûrement préféré une autre promo pour la sortie de son dernier bouquin. L’ex-Premier ministre et maire du Havre fait partie des personnes ciblées par une plainte de l’ancienne directrice générale adjointe de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, déposée jeudi 14 septembre auprès du Parquet national financier, selon le Monde. Les motifs : «prise illégale d’intérêts, détournement de biens, favoritisme, concussion et harcèlement moral».
Plusieurs dirigeants de la collectivité normande sont accusés de contournement des règles des marchés publics en lien avec une convention d’objectifs pluriannuelle.
Le document avait été cosigné, le 30 juillet 2020, par Edouard Philippe, en tant que président de la communauté urbaine, et Stéphanie de Bazelaire, adjointe au maire chargée de l’innovation et du numérique et conseillère communautaire de la métropole, comme présidente bénévole de LH French Tech. Une association déclarée en préfecture en avril 2020 et active depuis le 15 juillet 2020… jour où Edouard Philippe a été élu à la tête de la métropole.
Grâce à cette convention, la communauté urbaine a chargé LH French Tech d’animer et d’exploiter la Cité numérique du Havre, lieu consacré aux métiers du numérique, de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Mais au lieu de lancer un appel d’offres pour attribuer ce marché public, la métropole a choisi un «appel à manifestation d’intérêt», «dans le cadre d’un service d’intérêt économique général, schéma juridique plus souple que l’attribution d’un marché public». L’association LH French Tech, seule à présenter un dossier, avait donc été retenue, pour une durée de quatre ans et une «compensation de service public» à hauteur de 2,154 millions d’euros.
Plusieurs alertes ont été réalisées concernant la fragilité juridique de ce montage et les possibles conflits d’intérêts, la collectivité a tout voté. «J’ai toujours été perplexe sur ce dossier et me suis rapidement rendu compte que l’association était incapable de dérouler le projet, assure la plaignante dans le quotidien du soir. J’ai signalé les difficultés de gestion : l’association commençait à brûler les sous dans des salaires mirobolants.»
«L’association n’a pas déroulé son activité comme prévu, n’a pas vraiment cherché à augmenter son chiffre d’affaires, raconte la plaignante. Au bout de dix-huit mois, j’ai proposé à Edouard Philippe de mettre un terme anticipé à la convention.» Ce qui sera fait en juin 2022. Mais la collectivité avait déjà versé 1,15 million d’euros à LH French Tech.
«Dangers de l’immixtion public-privé»
La plaignante, qui dit avoir multiplié les alertes, fait état de faits de harcèlement moral à son égard, et son CDD de trois ans n’est pas renouvelé. Outre le PNF, elle a saisi le tribunal administratif, après le refus de lui accorder la protection fonctionnelle, et a demandé au Défenseur des droits le statut de lanceuse d’alerte.
«Cette affaire montre une fois de plus les dangers de l’immixtion public-privé et l’absence de contrôle de certains hauts dignitaires de l’Etat, résume l’avocate de la plaignante, Christelle Mazza. Le renforcement de la protection du statut des lanceurs d’alerte doit inviter tout agent public témoin de la violation de la probité à signaler ces faits, en matière de probité notamment, sans craindre de représailles.» Pas encore candidat officiellement, Edouard Philippe va donc devoir ferrailler avec une affaire judiciaire.
LIBERATION