Le cercueil recouvert d’une peau de bête est entré dans le stade conduit par des guerriers en tenue traditionnelle: des milliers de Zoulous sont rassemblés samedi en Afrique du Sud pour les funérailles d’une figure influente et redoutée de la puissante ethnie, Mangosuthu Buthelezi.
Le fondateur du parti nationaliste Inkatha et membre de la famille royale est mort le week-end dernier à 95 ans, chez lui, dans la province du KwaZulu-Natal (sud-est). A l’origine d’une guerre fratricide avec l’ANC de Nelson Mandela pendant la période trouble précédant la chute de l’apartheid, il incarnait pour certains le fier esprit zoulou, pour d’autres, il ressemblait dangereusement à un chef guerrier.
Samedi à Ulundi, un des berceaux de la tribu la plus importante d’un point de vue démographique du pays d’Afrique australe (11 millions), sa dépouille a été placée au centre du stade comble où ont débuté à la mi-journée des funérailles nationales.
Le chef d’Etat, Cyril Ramaphosa, doit prononcer l’éloge funèbre. Son sulfureux prédécesseur, Jacob Zuma (2009-2018), des chefs de partis et hauts responsables se sont installés sous un chapiteau blanc.
Pendant toute la matinée, sous un soleil de plomb, des régiments de la brigade de femmes de l’Inkatha Freedom Party (IFP) ont défilé au petit trot en scandant: « Il nous a conduits jusqu’ici ».
En peaux de léopard, d’imposantes rangées de guerriers « amabutho », traditionnellement voués à la protection de la famille royale, ont brandi lances et boucliers, mimant la guerre. La veille, ces hommes ont mené le cortège accompagnant la dépouille du chef zoulou de la morgue vers la demeure familiale.
Dans la foule, Bonga Makhoba, 31 ans, raconte à l’AFP avoir roulé 150 km et passé la nuit dans sa voiture pour être présent: Buthelezi « nous traitait tous, nous Zoulous, comme des membres d’une seule famille. C’est pour ça que je suis là ».
Rivalité sanglante
Dans tout le pays, les drapeaux ont été mis en berne. Et depuis plusieurs jours déjà, des files se sont succédé autour de la maison du défunt pour des prières publiques. Certains étaient enveloppés dans des drapeaux de l’Inkatha, tandis que d’autres étaient munis de fanions à l’effigie du défunt.
Au départ membre du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), Mangosuthu Buthelezi crée le parti Inkatha en 1975. Initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue, le mouvement qu’il dirige d’une main de fer pendant plus de quarante ans ne tarde toutefois pas à entrer dans une rivalité sanglante avec l’ANC.
L’IFP mène au cours des années 1980-1990 des guerres territoriales avec les militants du parti de Mandela dans les townships à majorité noire: les violences, décrites comme les plus marquantes dans le pays avant les premières élections multiraciales en 1994, font des milliers de morts.
Orateur charismatique en dépit d’un fort bégaiement, le chef zoulou questionne les stratégies anti-apartheid de l’ANC et considère que Nelson Mandela, alors en prison, affaiblit les positions noires.
Buthelezi est accusé d’avoir ainsi mis en danger le mouvement de libération contre le régime raciste de l’apartheid et d’avoir joué le jeu du pouvoir blanc, ce qu’il a toujours nié.
Et malgré les controverses, il a mené une longue carrière politique, traversant l’apartheid et l’avènement de la démocratie.
Premier ministre du « bantoustan » zoulou – une des entités territoriales pseudo « indépendantes » assignées aux noirs sous l’apartheid -, il est élu député en 1994 et nommé ministre de l’Intérieur dans le gouvernement d’unité nationale de Mandela.
Pour certains, son héritage restera un sujet de débat dans le futur mais la fondation qui porte son nom a appelé à cesser de perpétuer de « vieux mensonges ».
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