La sustentation électromagnétique permet de faire « léviter » un train au-dessus de la voie et d’atteindre théoriquement les 500km/h. Pour la première fois, un test grandeur nature d’un prototype sur une voie conventionnelle a été réalisé avec succès.
C’est une étape importante dans le développement « du train du futur ». Non, il ne s’agit pas de l’Hyperloop d’Elon Musk qui relève désormais de la science-fiction mais du train à sustentation électromagnétique ou Maglev sur voie classique.
Nevomo, une entreprise polonaise qui travaille sur la question depuis plusieurs années, a réussi un test grandeur nature (après l’avoir fait avec des modèles réduits) sur une voie d’essai sous abri d’environ 720 mètres avec son prototype MagRail.
Un courant est induit dans la voie et la force qui en résulte fait léviter le train au-dessus de la voie. En l’absence de frottements, source de perte d’énergie, les vitesses théoriques sont supérieures à 400, voire 500km/h. Mais là où Nevomo se distingue, c’est l’utilisation d’une voie conventionnelle pour faire « rouler » les trains.
20 millimètres au-dessus de la voie
Pour la première fois au monde, un test grandeur nature d’un prototype MagRail de six mètres de long sur une voie classique a été réalisé avec succès. Le prototype a commencé à léviter jusqu’à 20 millimètres à partir de 70km/h et a atteint une vitesse maximale de 135km/h. Il est passé de 0 à 100km/h en 11 secondes.
Outre la vitesse (550km/h maximum selon Nevomo), le principal intérêt de MagRail est donc d’exploiter le réseau existant en y ajoutant quelques composants sur les voies. Les rames doivent également être adaptées avec de nouveaux bogies.
« Pour la première fois dans l’histoire ferroviaire, un véhicule ferroviaire circulait non pas sur les voies existantes, mais au-dessus de celles-ci, sans friction. Cela montre que notre technologie MagRail n’est pas seulement une vision pour l’avenir; c’est une solution tangible pour aujourd’hui. Une solution pour une Europe plus verte et plus connectée.
En tirant parti des infrastructures existantes, nous proposons une approche rentable et respectueuse de l’environnement pour moderniser le transport ferroviaire, conformément aux objectifs du Green Deal européen », se félicite Przemek Ben Paczek, PDG et co-fondateur de Nevomo.
Un atout de taille face aux trains asiatiques
C’est un atout de taille face à Hyperloop qui utilise également la sustentation électromagnétique mais à travers un tube sous vide, ce qui exige la construction d’une infrastructure en propre, ce qui représente des coûts colossaux que personne ne veut consentir. Mais aussi et surtout face aux autres trains utilisant cette technologie sur voie dédiée.
En effet, cette technologie est regardée de près dans le monde, essentiellement en Asie. Fin 2020, la Chine dévoilait ainsi un nouveau prototype de Maglev qui roulerait en vitesse de croisière à 620km/h pour une vitesse maximale de 800km/h. Ses concepteurs visent une exploitation commerciale en 2027.
Pour le moment, un modèle circule à 460km/h mais ce train nécessite comme l’Hyperloop des voies dédiées.
Au Japon, un train à sustentation électromagnétique devrait relier Tokyo à Nagoya en 40 minutes (245 kilomètres) en 2027, soit une vitesse de croisière de 500km/h. Là encore sur une infrastructure ad hoc.
La SNCF ne veut pas rater ce train et a d’ailleurs signé en mars dernier un accord de coopération avec la société polonaise. Il vise à évaluer la pertinence et les bénéfices de la technologie Maglev sur le réseau de l’entreprise publique à la fois pour le transport de passagers que pour le fret.
Plusieurs accords avec des opérateurs européens
« Nous sommes heureux de signer ce protocole d’accord, qui couvrira trois domaines: augmenter les performances des trains de marchandises actuels pour des limites de chargement plus élevées et plus de capacité sur nos lignes de fret, augmenter la capacité sur les lignes de passagers urbaines congestionnées et évaluer MagRail comme une propulsion alternative pour les lignes rurales en combinaison avec des véhicules légers », expliquait alors dans un communiqué, Luc Laroche, directeur de l’innovation à la SNCF.
Une équipe dédiée au sein de son pôle innovation planche spécifiquement sur ces nouvelles technologies pour en évaluer la faisabilité et la pertinence économique. Mais l’opérateur, malgré nos sollicitations, refuse pour le moment de communiquer sur cette technologie et sur ses pistes de réflexion.
« Nous collaborons déjà avec des géants de l’industrie, notamment Rete Ferroviaria Italiana, SNCF, Duisport et GATX, pour définir diverses applications pour MagRail, et ces tests réussis ouvrent la voie à des pilotes opérationnels pré-commerciaux », confirme Sebastian Kaluza, directeur du développement de produits chez Nevomo.
Et cette technologie semble susciter l’intérêt des investisseurs privés et publics. Nevomo dit avoir levé 11 millions d’euros et a reçu 17,5 millions d’euros de la part de la Commission européenne.