San Francisco– Avec la dernière génération d’intelligence artificielle (IA), « nous avons lancé plus de nouvelles fonctionnalités ces neuf derniers mois qu’en plusieurs années avant », note Lidiane Jones, la directrice générale de Slack.
Elle a pris les rênes de la plateforme de collaboration professionnelle en début d’année, « au même moment » où l’IA générative prenait le monde d’assaut, et « accélérait le rythme de l’innovation » pour son entreprise, relate-t-elle lors d’une interview à l’AFP.
Originaire du Brésil et habitante du Massachusetts, dans l’est des Etats-Unis, la dirigeante était cette semaine à San Francisco pour « Dreamforce », le raout annuel de Salesforce.
Le géant des logiciels de relations clients a racheté Slack il y a deux ans, quand la pandémie a rendu ce service et ses concurrents – Teams (Microsoft), Workplace (Meta), Asana, etc – indispensables au télétravail.
L’IA générative, qui permet de produire textes, images et sons sur simple requête en langage courant, est en train de transformer en profondeur ces outils originellement conçus pour faciliter le travail en équipe et la communication interne.
« Quand je suis rentrée de mes deux semaines de vacances cet été, j’avais des montagnes de messages de clients et de collègues à rattraper », raconte l’utilisatrice en chef de Slack en guise d’exemple.
« J’ai demandé à +Slack AI+ de tout résumer et en deux heures j’étais à jour, au lieu d’y passer la journée ou la semaine. »
Course à l’IA
Slack a ajouté des outils de recherche et de synthèse, ainsi que des programmes pour automatiser des tâches professionnelles, comme l’approbation de notes de frais ou la mise en relation avec des experts.
« On gagne beaucoup de temps. Pas besoin d’aller sur votre email, puis sur une autre application, avant de vous reconnecter à la plateforme… », détaille Mme Jones.
Les utilisateurs peuvent aussi s’adresser directement à des chatbots d’IA générative, comme Claude (d’Anthropic, une start-up voisine), et bientôt ChatGPT, d’OpenAI, qui incarne cette technologie pour le grand public depuis son lancement fin 2022.
« Toutes ces applications connectées à Slack constituent notre force », affirme la patronne. « Nous sommes avant tout une plateforme très ouverte, c’est une grande différence par rapport à Teams. »
Avec ses quelque 300 millions d’utilisateurs mensuels, l’application de conversations et de visioconférence de Microsoft piétine les plates-bandes de Slack (12 millions d’utilisateurs actifs quotidiens en 2019).
En 2020, l’entreprise californienne a porté plainte contre Microsoft pour concurrence déloyale auprès de l’Union européenne. Elle reproche au groupe informatique d’associer Teams, sans surcoût, à Word, Excel, Powerpoint et Outlook.
Pour apaiser Bruxelles, Microsoft a annoncé récemment qu’il allait dissocier l’application de sa suite bureautique.
Mais grâce à ses investissements majeurs dans OpenAI, Microsoft a aussi une longueur d’avance dans l’IA générative. Ses ingénieurs cherchent à transformer chaque logiciel en « copilote » des professionnels et des internautes.
« Slack est idéal pour cette technologie », fait de son côté valoir Lidiane Jones, qui a succédé au charismatique cofondateur de l’entreprise, Stewart Butterfield.
« Entre les conversations et les documents, toutes les connaissances d’une entreprise sont sur la plateforme, et ces données, non structurées, mais reliées à l’infrastructure de Salesforce, rendent nos outils d’IA ultra puissants. »
Assistants omniscients
Pour l’heure, Slack ne prévoit pas de développer son propre modèle de langage, la technologie au cœur de l’IA générative.
« Nous n’avons pas l’impression qu’il faille réinventer la roue », plaisante la cheffe, tout en réservant la possibilité de concevoir un modèle spécialisé.
A horizon encore plus lointain, Slack intégrera peut-être un jour des agents d’IA personnalisés.
De nombreux experts prédisent l’avènement prochain d’assistants virtuels qui sauront absolument tout de leur utilisateur.
Ces applications pourront converser avec lui et exécuter ses requêtes au quotidien, de ses courses en ligne à la rédaction de messages adaptés à ses interlocuteurs.
Lidiane Jones y croit aussi. Mais alors que des logiciels comme Slack ont brouillé la frontière entre vies personnelle et professionnelle, elle pense que de tels outils ne sont pas prêts de s’immiscer des deux côtés.
« C’est une possibilité », concède-t-elle. « Et cela répond à un désir: j’ai une famille à gérer, un travail assez intense… Ce serait génial d’avoir un système qui réunisse tout ça en un seul endroit. »
« Mais imaginez un programme personnel qui voit tout votre travail au bureau, et inversement… Il y a une question fondamentale de confiance à résoudre. »
La dirigeante espère cependant que des innovations technologiques finiront par apporter des garanties suffisantes pour créer ces majordomes omniscients.
« Ce serait super pratique. Le rattrapage au retour des vacances ne prendra plus que cinq minutes ! »
AFP