Dans le cadre des Rencontres internationales d’art contemporain de Brazzaville (Riac), l’Institut français du Congo a reçu l’exposition collective des artistes qui y participent. Autour du thème : «L’eau, l’environnement, la durabilité», ces artistes ont partagé leur vision et leurs craintes pour ce monde qui doit faire face au péril de la pollution.
La dixième édition des Rencontres internationales d’art contemporain de Brazzaville (Riac) a démarré depuis le 4 septembre. Dans la capitale congolaise qui vibre au rythme des spectacles, performances et pièces de théâtre, les artistes plasticiens ont aussi marqué leur présence. La vingtaine d’artistes présents a été accueilli par l’Institut français du Congo pour la première des trois expositions qui vont rythmer ces rencontres. Autour du thème : «L’eau, l’environnement, la durabilité», les artistes ont décliné leurs propositions.
Avec ses êtres aquatiques mystérieux, l’artiste camerounais, Arnold Fokam, propose une réflexion autour de ces entités surnaturelles qui peuplent les eaux des fleuves, rivières et mers du continent, et que l’on appelle des Mami Wata. «C’est une recherche autour de la mythologie africaine, principalement le mythe de la Mami Wata, et cette série aborde la question de l’hybridité entre le corps et d’autres formes de vie aquatiques», explique-t-il. Les tableaux de Arnold Fokam présentent des portraits de femmes.
Mais ces femmes vivent dans les profondeurs de l’eau. «J’essaie de déconstruire cette notion d’anthropocène qui positionne toujours l’humain au-dessus des autres formes de vie et je recherche toujours une forme de symbiose, d’équilibre et d’harmonie entre tout ce qui existe sur terre et comme étant des organismes vivants. En utilisant l’hybridité qui vient de la nature de cette créature Mami Wata, ça me permet de reproposer des espèces de portrait qui présentent des créatures surnaturelles, mais qui les positionnent sur la même échelle que les autres formes de vie.»
Dans la forme, dans les volumes et dans les choix esthétiques, Arnold Fokam montre une maîtrise parfaite du coup de crayon qu’il met au service de la protection de l’environnement. «Dans mon propos, je positionne ces figures comme des espèces de symbole de l’équilibre entre toutes les formes de vie, entre l’humain et je les positionne aussi dans la réalité écologique actuelle ou elles feront face avec d’autres formes de vie aquatique, à toutes les violences qui sont perpétrées dans cet environnement naturel.»
Originaire de la République démocratique du Congo, Jeremy Libengue oriente son travail vers les chaussures. Qu’elles soient des bottes militaires ou de simples chaussures en plastique «tic-tic», il leur donne le pouvoir de délivrer des messages. Dans la toile qu’il présente aux Riac, deux énormes bottes militaires se détachent d’un fond rouge parcouru d’écritures. Stop ! Stop ! Don’t Kill me …
C’est la façon que l’artiste a choisi d’utiliser pour s’insurger contre la guerre et ses ravages dans son pays.
Ses bottes ont un langage et il se décline en images. «Sur mes chaussures, il y a comme un miroir convexe qui crée un champ panoramique qui nous fait entrer dans une réalité vécue», explique Jeremy Libengue.
«Je voulais tirer la sonnette d’alarme, interpeller et dénoncer la guerre.
L’environnement, c’est aussi le milieu dans lequel nous nous trouvons, étant artiste, ambassadeur et interprète de ma société, j’ai essayé d’interpeller et de questionner les chaussures pour tracer le rôle militaire.» Sur les bottes de Jeremy Libengue, des silhouettes fuyant la guerre et ses ravages, leurs maigres affaires sur la tête, se détachent sur les chaussures. «Je trouve que la chaussure est un vestige qui témoigne de la vie de l’homme, de sa personnalité, de son bonheur, de son malheur.
La chaussure dit beaucoup de choses pour moi et elle me suffit pour donner les messages», souligne l’artiste. Son compatriote Fabrice Matondo s’intéresse à la pollution. Sur ses œuvres, les déchets sont le principal sujet. «J’ai représenté un jeune homme qui est dans l’eau, mais il est entouré de déchets, d’ordures. C’est pour dire non à la pollution», explique Fabrice Matondo. Mais les toiles de Matondo sont gaies. Elles pétillent de couleurs et l’auteur revendique pleinement ce choix. «J’utilise souvent des couleurs vives. J’interpelle tout le monde à revenir à l’ordre, la joie, l’amour et l’unité», dit-il.
A l’image de ces artistes, tous les autres ont également exploré ces thématiques autour de la durabilité. C’est le cas de Artmel Mouy dont le travail s’articule autour des tresses. Sur une série de mini-tableaux, l’artiste congolais présente des visages de femmes et de petites filles, en mettant en exergue les tresses qu’elles portent. Sur celles-ci, des fruits et des légumes comme le citron ou les arachides, des tomates, remplacent les perles d’ornement.
Pour Pierre Mann’s, la durabilité est aussi synovie de sécurité et d’intégrité pour les femmes. Sur sa série de photos, apparaît une femme mise en scène dans différentes postures, mais toujours entourée de rouge. C’est une façon de dénoncer les violences contre les femmes et les mutilations génitales qu’elles subissent.
Au total, les travaux présentés ont été très largement appréciés pour leur qualité, mais aussi pour les messages qu’ils renvoient à un public d’amateurs parfois, mais dont la sensibilité a parlé devant ces œuvres.
Discussion sur l’environnement
A l’image de ces trois artistes, les exposants de l’Institut français du Congo ont laissé éclater leur talent pour livrer des propositions fortes autour du thème de cette dixième édition des Riac. Pour le commissaire camerounais et scénographe de l’exposition, Patrick Ngouana, la variété des propositions forme un patchwork.
«La discussion était ouverte sur la question de l’eau, de la préservation de l’environnement, les artistes ont représenté des sujets, des scènes où ils ont mis en exergue ces éléments qu’on retrouve dans la nature ou qui font partie de la nature, les plantes, l’univers sous-marin, et d’autres ont beaucoup plus accentué leur écriture sur la dégradation de l’environnement en mettant en avant des éléments qui font partie des poubelles», dit-il.
Lequotidien