L’Etat est-il le seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France ? C’est la question sur laquelle tout le film se développe. Projeté en simultané, jeudi dernier, au cinéma Pathé à Dakar et à Paris, en présence de l’équipe du film, «Banlieusards 2» raconte avec authenticité et émotion, l’histoire de trois frères issus de quartiers défavorisés de la banlieue parisienne. Le cadet, Souleymaan, fait ses débuts en tant qu’avocat à Paris, le benjamin, Noumouké, se retrouve impliqué dans des rixes entre quartiers rivaux, et l’aîné, Demba, qui vivait au rythme du trafic et de la rue, se remet d’aplomb, déterminé à rester dans le droit chemin.
A travers leurs luttes, leurs rêves et leurs désillusions, le film aborde des thèmes forts tels que la discrimination, le retour aux sources, la violence et l’espoir de s’en sortir. Dans ce film de 98 minutes, qui mêle considérations économiques, religieuses et raciales sur fond d’appartenance territoriale symbolique, l’ambiance semble nettement plus apaisée entre les trois frères, surtout après la mort de leur Maman, Khadija Traoré…Résisteront-ils à la vague de violence et à la brutalité des évènements qui s’abattent sur eux ? Dans «Banlieusards 2», le rappeur, Kery James, et sa complice, Leïla Sy, une métisse franco-sénégalaise, livrent un film engagé qui est, sans doute, un peu à l’image de son époque.
Une époque où tout est potentiellement offense, où les identités se définissent par des oppositions violentes, et où la solidarité entre différences n’existe plus. Mais trop sage dans ses manières, il ne fait que suggérer la rage qui habite ses personnages. Dans ce film dramatique à enjeux sociaux, on retrouve également dans les questions et les quelques réponses du film, la même plume qui agite les textes du rappeur français, Kery James, souvent énervé et revendicatif. «Je ne serai jamais un diable muet…Même sur le service public. «Banlieusards 2», pas un film sur la banlieue, mais une histoire humaine qui se déroule en banlieue», justifie le rappeur militant et acteur dans le film.
«Banlieusards 2» a connu un véritable engouement et est devenu un véritable phénomène culturel. Certaines séquences rappellent le mouvement «Black Lives Matter, un mouvement de défense des droits civiques, apparu en 2013. «Les Etats-Unis ont George Floyd, en France aussi, nous avons nos George Floyd et ça ne date pas d’hier», dira Soulayman, incarné par Jammeh Diangana. A l’en croire toujours, dans le film, la violence exercée par la police à l’encontre d’une catégorie bien ciblée de la population est une conséquence de la politique des chiffres exigée par le ministère de l’Intérieur et donc par l’État.
«Non seulement l’Etat ne fait rien pour empêcher les violences policières, mais pire encore, ils les encouragent», regrette Souleymaan, étudiant modèle, futur avocat, lors de la finale d’un concours d’éloquence sur la responsabilité de l’Etat dans la situation des banlieues. C’est aussi la question politique que le film pose, se gardant bien d’y répondre, mais donnant des éléments pour la nourrir le plus intelligemment possible.
Retour aux sources
Comme on le dit, le meilleur reste pour la fin. Leïla Sy et Kery James, porteurs d’un message humaniste, ne sont pas contentés seulement de filmer uniquement ce qui se passe en banlieue parisienne. Ayant tous les deux un attachement particulier pour le Sénégal, ils ont travaillé main dans la main avec une équipe 100% sénégalaise, en terminant leur film dans un village à Nguékhokh, une commune de la région de Thiès. D’ailleurs, c’est dans ce village que Khadija Traoré, la maman de ces trois frères issus d’une banlieue parisienne, a été enterrée après sa mort dans le film.
«Kery James a un attachement particulier pour le Sénégal. Son projet de vie, c’est de venir s’installer au Sénégal. Donc, c’était une évidence quand il a fallu faire cette partie du film en Afrique, de choisir la destination Sénégal. Au-delà de ça, il y aussi Leïla Sy, qui a le même attachement et qui est d’origine sénégalaise. Donc, c’était une évidence pour eux de venir faire ce tournage au Sénégal», fait part Ousmane Fall, producteur challenger Factory et co-producteur pour la partie sénégalaise du film.
Evidemment, Kery James et Leïla ont un amour pour le Sénégal. Et le film en question raconte aussi le retour aux sources de ces trois frères qui ont vécu à l’étranger et qui sont revenus au Sénégal via l’enterrement de leur Maman. ««Banlieusards 2», ce n’est pas un film fait sur la banlieue, mais plutôt un film sur des gens qui vivent en banlieue. Le film nous invite à aller nous ressourcer, à notre origine. Une histoire d’un retour aux sources pour ces frères», témoigne Ousmane Fall.
Enfin, l’assistance aura appris de la projection de «Banlieusards 2», que dans la vie, il faut prendre un peu de hauteur et ne pas simplement répondre coup pour coup. Mais aussi, il convient de ne pas minimiser l’impact de nos actes sur la vie des autres. Sourire. Une belle parole. Une attention peut changer la journée de celui à qui on le destine. Et une journée peut changer le cours d’une vie. «Nous devons tous faire preuve d’exigence envers nous-mêmes et cessé de répéter les mêmes fautes. La folie, c’est toujours de faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent.»
C’est sur ce plaidoyer que Souleymaan, étudiant modèle, futur avocat, raconte avec authenticité et émotion à la fin du film, «Banlieusards 2», écrit et réalisé par Kery James et Leïla Sy ; un film attendu le 27 septembre prochain, toujours sur la plateforme au N rouge.