Situé dans les Alpes suisses, le glacier du Rhône, qui donne naissance au fleuve éponyme, fond inexorablement, et derrière sa disparition se dessinent les contours d’un défi majeur : préserver la biodiversité tout en pérennisant la production énergétique en bord du Rhône, alors que l’eau est indispensable au bon fonctionnement des centrales.
Il est le « fleuve-roi ». Pourtant, même lui doit s’incliner face à la fonte du géant suisse qui porte son nom : le glacier du Rhône, au nord du canton du Valais. D’après un rapport de l’Agence de l’eau publié en mars 2023, le drame qui se joue là-haut est responsable d’une baisse de plus en plus importante du débit du fleuve. En 2050, son débit d’étiage — le niveau annuel moyen le plus bas d’un cours d’eau, à partir duquel on mesure les crues — aura diminué de 20 % en moyenne.
Or, le Rhône nourrit aujourd’hui un million de personnes, en abreuve plus de deux millions et génère à lui tout seul « un quart de la production électrique du pays ». Comptez sur ses rivages pas moins de 19 centrales hydroélectriques, et quatre centrales nucléaires. Ce sont elles dont on parle le plus… Mais est-ce bien justifié ?
L’eau, indispensable au fonctionnement des centrales
En France, les réacteurs de nos centrales nucléaires sont des réacteurs à eau pressurisée qui assurent 70,6 % de la production d’électricité du pays. Pour fonctionner, de l’eau prélevée dans une source extérieure (rivière, fleuve, mer) alimente trois circuits indépendants qui permettent respectivement de produire une grande quantité d’énergie thermique dans le réacteur, de la convertir en énergie mécanique et de refroidir les systèmes de sauvegarde du réacteur. Les deux premiers circuits sont des circuits « fermés » : l’eau « tourne en rond » sans aucun moyen de sortir. Ils consomment donc peu d’eau.
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Circuits de refroidissement ouverts ou fermés : il faut choisir
Le circuit de refroidissement, lui, est plus gourmand. C’est celui-ci qui nous intéresse. On en distingue deux types : les circuits ouverts et les circuits fermés. Dans les centrales à circuit ouvert, l’eau froide, prélevée dans la source extérieure, vient refroidir les systèmes de sauvegarde, puis est ensuite intégralement rejetée dans la source d’eau. C’est par exemple le cas des centrales du Bugey, du Tricastin et de Saint-Alban — centrale où l’on prélève en moyenne 57m³/seconde dans le Rhône.
« La contrepartie, c’est que le réchauffement induit dans le milieu peut être assez conséquent si la production d’électricité est importante, tempérait la directrice Environnement et Prospective d’EDF Cécile Laugier dans une conférence de presse donnée en mai dernier par l’entreprise et portant sur le réchauffement climatique. En pratique, pour nos centrales nucléaires, ça fait des échauffements de 4° à 5° en moyenne dans le milieu. »
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Les centrales en circuit fermé prélèvent, quant à elles, beaucoup moins d’eau (de l’ordre de 2 m³/seconde). Après être passée dans le circuit de refroidissement, l’eau est acheminée vers une tour aéroréfrigérante où un système d’appel d’air froid abaisse sa température.
Une part de l’eau retombe sous forme de gouttelettes, tandis que le reste s’échappe par une cheminée : c’est le fameux panache de vapeur d’eau, image d’Épinal des centrales. Ce procédé a l’avantage de rejeter une eau plus froide dans la source, mais il ne permet pas de tout restituer : sur 2 m³ d’eau refroidie, environ 0,7 m³ s’évapore, on récupère donc 1 m³ d’eau environ. Ce circuit de refroidissement empêche la surchauffe des eaux externes.
En résumé : sans eau, pas de fonctionnement des centrales nucléaires possible ; et sans garantie que les eaux de rejet n’augmenteront pas la température de la source au-delà d’un certain seuil, pas de fonctionnement possible non plus, législation oblige. Il semblerait donc que la baisse des débits d’étiage du Rhône n’annonce rien de bon pour les circuits de refroidissement de nos centrales, biberonnés à l’eau du fleuve…
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