La viande cellulaire cultivée en laboratoire est-elle vraiment la solution miracle?

Manger de la viande pose des problèmes environnementaux et éthiques. Pourrait-on les régler en partie en produisant de la viande en laboratoire, au terme d’un processus de culture?

Pas de quantités abondantes d’eau, pas d’abattoirs, l’idée est séduisante. Mais depuis son premier steak en 2013, le secteur de la «viande in vitro» connaît une première crise de croissance, comme l’explique Uma Valeti, fondateur et directeur général de l’entreprise de technologie alimentaire Upside Foods, dans une interview accordée à TechCrunch.

Selon Uma Valeti, cardiologue de formation, il faut envisager une production de viande cellulaire à grande échelle pour que le prix de cette «viande propre» concurrence celle issue de l’élevage. Le coût de production est certes passé de près de 35.000 euros par kilo en 2016 à une quinzaine d’euros le kilo de poulet cultivé en 2022, mais cela ne suffira pas à imposer la viande cultivée dans les rayons et encore moins à lever les doutes qui subsistent sur l’efficacité de cette pratique. Objectifs : évangélisation et économies d’échelle.

Voila près d’un siècle que la réflexion est engagée pour produire de la viande sans s’encombrer d’un animal: dès 1931, Winston Churchill appelait de ses vœux le moment où «on n’aurait plus à élever un poulet entier pour n’en manger qu’un filet ou une aile». L’agence fédérale américaine Food and Drug Administration donne son feu vert en 1995. Les années 2000 voient les premières levées de fonds des start-up sur ce sujet. Puis en 2013, un premier hamburger «cultivé» est servi.

La recette est simple (si vous voulez essayez chez vous): prélevez sur l’animal des «cellules satellites musculaires», des cellules souches dont la fonction est de régénérer les muscles en proliférant en cas de lésion; cultivez-les dans des bioréacteurs en les alimentant avec de l’oxygène et des acides aminés; puis assemblez le tout pour en faire un appétissant bifteck.

De la viande pas si «propre»
Les promesses sont là: dès 2011, une étude estimait que la viande cellulaire consommait moins d’énergie que l’élevage traditionnel (entre -7% et -45% selon la viande concernée) et surtout beaucoup moins d’eau (-82 à -96%) et évidemment moins de terrains (-99%). Mais des études plus récentes ont cherché à tout prendre en compte, de la construction et l’entretien de ces bioréacteurs à la consommation de plastique à usage unique pour garantir un environnement stérilisé. Avec des résultats bien plus mitigés. Cultiver de la viande de bœuf en laboratoire a un intérêt au niveau environnemental, celle de poulet ou de porc beaucoup moins.

L’autre frein au développement à très grande échelle de la viande cultivée est la question sanitaire. Le gain de temps (quelques semaines contre quelques années) dans le processus de développement par prolifération musculaire exige l’usage d’hormones anabolisantes qui pose des questions de santé publique et risque de freiner l’enthousiasme du public pour cette viande de culture.

Uma Valeti en est convaincu: le public est prêt, il ne manque que les capacités de production pour atteindre un prix de vente concurrentiel. Pour cela, son entreprise Upside Foods a levé 600 millions de dollars pour construire les équipements qui lui permettront d’atteindre cette taille critique.

Si vous avez l’impression de revoir le schéma qui a conduit l’agriculture traditionnelle à devenir intensive, avec des entreprises qui produisent de plus en plus pour tirer les prix vers le bas et font du lobbying pour alléger les réglementations, ce n’est qu’une coïncidence. Voilà des années qu’on nous promet un futur dans lequel on mangera uniquement des insectes, c’est peut-être notre seule chance d’y échapper (sauf si vous raffolez des criquets grillés au quotidien).

TechCrunch

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