Ces nouveaux pourparlers sur le Haut-Karabakh ont commencé dès le surlendemain de la victoire militaire de l’Azerbaïdjan. Une première réunion s’est tenue ce jeudi 21 septembre à Yevlakh, en Azerbaïdjan. Les deux délégations se sont séparées sans être parvenues à un accord, mais Bakou assure que de nouvelles discussions se tiendront « le plus vite possible ».
La région s’est tenue à Yevlakh, située à une cinquantaine de kilomètres seulement du Haut-Karabakh, en présence de représentants des autorités azerbaïdjanaises et de représentants des séparatistes arméniens. Battus sur le terrain mardi, .
Peu de choses ont filtré des discussions lors de la rencontre, qui aurait duré près de trois heures, mais les séparatistes battus sur le terrain mardi ont accepté de rendre les armes et de négocier « la réintégration » du Haut-Karabakh sous giron azerbaïdjanais, rapporte notre correspondant régional, Régis Genté.
Si chacune des parties a confirmé qu’aucun document n’a été signé à Yevlakh, les deux se sont félicitées de l’attitude « constructive et positive » de la rencontre. Bakou a annoncé qu’une nouvelle réunion aurait lieu « le plus rapidement possible ». De leur part, les séparatistes ont commenté dans un communiqué que « les parties ont insisté en particulier sur la nécessité de discuter de tous les problèmes existants dans un environnement paisible et ont fait part de leur disposition à poursuivre les réunions ».
Un peu plus tard, le conseiller du « président » du Haut-Karabakh David Babayan en disait un peu plus, en évoquant un « accord sur la cessation de l’activité militaire » qui demandait encore une validation finale.
Il y a aussi été question de fourniture d’aide humanitaire, de nourriture et de médicaments notamment, mais aussi de moyens de chauffage pour les jardins d’enfants et les écoles.
Le « cessez-le-feu au Haut-Karabakh tient globalement », selon Erevan
Lors d’une allocution télévisée jeudi, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a déclaré au passage que « le régime de cessez-le-feu au Haut-Karabakh tient globalement, il y a eu des violations isolées, mais globalement, la situation est stable », a-t-il dit. Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense a indiqué que « depuis la conclusion de l’accord de cessation des hostilités, cinq violations du cessez-le-feu ont été enregistrées dans les districts de Chucha (deux) et de Mardakert (trois) ».
Mais Nikol Pachinian a accusé la Russie, dont un contingent est déployé au Haut-Karabakh depuis la dernière guerre de 2020, d’avoir failli à sa mission de maintien de la paix dans le territoire sécessionniste : « Je ne pense pas que nous devons fermer les yeux sur l’échec du contingent de (maintien de la) paix au Haut-Karabakh », a déclaré Nikol Pachinian lors d’une allocution télévisée.
Bakou a également donné jeudi pour la première fois le chiffre des soldats de la paix russes tués : selon le parquet général azerbaïdjanais, des militaires azerbaïdjanais ont tué cinq soldats russes jeudi en tirant sur leur voiture, après les avoir « confondus » avec des séparatistes arméniens. Un militaire russe a aussi été tué le même jour par des « membres non identifiés de formations armées arméniennes » qui ont tiré sur son véhicule, selon la même source.
Bakou prévoit l’aide humanitaire, les séparatistes inquiets pour des personnes « affamées et apeurées » dans les rues
La présidence azerbaïdjanaise a également indiqué prévoir l’envoi d’aide humanitaire, de nourriture et de carburant dans cette province. Depuis plusieurs mois, de nombreux acteurs tiraient la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire dans cette région.
Cette situation aurait empiré, selon les déclarations d’un responsable local. Dans un tweet, Gegham Stepanyan, responsable de l’autorité séparatiste pour la défense des droits humains, a affirmé jeudi que les rues de la capitale Stepanakert sont « remplies de personnes déplacées, affamées et apeurées », a-t-il affirmé. « Les gens sont désespérément à la recherche les uns des autres et appellent (…) pour avoir des nouvelles de leurs proches », a-t-il ajouté.
Malgré ces affirmations, le Premier ministre arménien a affirmé que les populations civiles de la région ne font pas face à une « menace directe » : « Aujourd’hui, mon jugement (sur la situation) est qu’il n’y a pas de menace directe pesant sur les populations civiles du Haut-Karabakh », a-t-il déclaré lors de son allocution télévisée.
Par conséquent, l’Arménie a promis qu’aucune évacuation de masse n’était prévue, même si elle se dit préparée pour accueillir « 40 000 familles » de réfugiés, a encore assuré Nikol Pachinian.
Bakou exige la dissolution des organes politiques sécessionnistes
L’absence d’accord jeudi n’est pas étonnante tant il y a de sujets importants et sensibles à discuter : désarmement des forces de défense locales, dissolution des organes politiques de l’entité sécessionniste – condition exigée par Bakou -, aide humanitaire, ou encore garanties sécuritaires pour les 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh, appelés à devenir citoyens de l’Azerbaïdjan.
Chacune des deux délégations était composée de trois hommes, emmenés côté sécessionniste par le député David Melkoumian, et côté azerbaïdjanais, par Ramin Mammadov, un natif du Haut-Karabakh.
Ce dernier avait notamment été désigné par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev pour conduire en mars dernier des discussions au sujet de la réintégration du Haut-Karabakh au sein de l’Azerbaïdjan. Ces discussions avaient échoué.
Jusqu’à ce jour, l’UE avait été plutôt en retrait au sujet de l’offensive azerbaïdjanaise contre le Karabagh. Au premier jour de l’offensive azerbaïdjanaise, mardi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, avait condamné l’escalade militaire, demandé la fin des hostilités et un retour au dialogue.
Ce mercredi, le président du Conseil européen, Charles Michel, a pris la suite et téléphoné au président azerbaïdjanais Ilham Aliev. Il lui a demandé un cessez-le-feu complet et un traitement digne pour les Arméniens du Karabagh.
Ces déclarations ressemblaient un peu au service minimum et le Karabagh pouvait avoir l’impression que l’Europe fermait les yeux et l’avait abandonné. C’est ce qu’affirme le président du groupe centriste au Parlement européen, Stéphane Séjourné : selon lui, les intérêts économiques sont devenus supérieurs à la protection de la population depuis que l’Union européenne a eu besoin de signer des contrats d’importation de gaz avec l’Azerbaïdjan.
C’est en tout cas un échec pour l’UE, qui poussait les deux pays à la signature d’un véritable accord de paix global, avec la fixation des frontières et l’établissement d’un statut pour le Karabagh.
agences