L’Inde vient de suspendre la délivrance de visas pour les citoyens canadiens. Cela arrive trois jours après que le Premier ministre canadien a accusé New Delhi d’être lié à l’assassinat d’un séparatiste sikh canadien. Cela marque une étape supplémentaire dans l’aggravation des relations entre les deux pays, alors qu’Ottowa essaye de calmer le jeu et de rassurer les Indiens qui résident au pays.
New Delhi affirme que ses consulats au Canada ne peuvent fonctionner à cause des menaces contre ses diplomates. Mais selon certaines sources, il s’agit avant tout d’une décision politique, rapporte notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis. L’Inde considère que les mouvements indépendantistes sikhs au Canada servent de façade à un trafic de drogue et d’armes, qui a des ramifications au Pendjab indien, et veut pousser Ottawa à agir contre eux.
Le nombre de diplomates canadiens en Inde sera donc réduit. Toute délivrance de nouveau visa est suspendue, et sera ensuite limitée. Les résidences permanentes de Canadiens en Inde devraient être annulées pour certains de la communauté pendjabie ou proche du parti au pouvoir.
L’objectif de New Delhi est d’asphyxier la diplomatie et surtout le commerce canadien en direction de l’Inde, pour créer un ressentiment des hommes d’affaires envers le gouvernement de Justin Trudeau. New Delhi estime qu’Ottawa ne pourra faire de même et arrêter la délivrance de visas aux Indiens, qui sont nécessaires pour permettre aux familles de la diaspora de venir au Canada, ainsi que pour les centaines d’Indiens qui viennent étudier dans ses universités.
Le Canada lance un appel au calme
Côté canadien, les représentants politiques minimisent les avertissements indiens envers les ressortissants qui se trouveraient au Canada, précise notre correspondante à Montréal, Pascale Guéricolas. Le ministre de l’Immigration a lancé un appel au calme, en indiquant que chacun sait que le Canada est un pays sûr. Un grand nombre d’Indiens séjournent temporairement ici, notamment 300 000 étudiants qui constituent le plus grand groupe venant de l’étranger. Il demande aux autorités de ce pays de les protéger.
La tension entre les deux nations s’exprime également à travers les déclarations des partisans du Premier ministre indien et ceux des Sikhs. Le représentant du parti de Narendra Modi, le BJP, réclame du Premier ministre Justin Trudeau des preuves de l’implication des services indiens dans l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar. Son avocat, lui, appelle les Sikhs à manifester lundi 25 septembre prochain devant les consulats indiens et l’ambassade à Ottawa, qu’il qualifie de « maisons de la terreur ». La police de Vancouver, là où se trouvent beaucoup d’Indiens d’origine, prend tout cela très au sérieux et mène une surveillance accrue.
Une position délicate pour les États-Unis
La brouille diplomatique entre le Canada et l’Inde met les États-Unis dans une position délicate, dont l’administration Biden se serait bien passée. La brusque montée de tension entre le Canada et l’Inde ne facilite pas les plans américains, explique notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Depuis des mois, notamment pour contrer le rival chinois, les États-Unis se rapprochent de l’Inde, quitte à fermer les yeux sur les pratiques du Premier ministre nationaliste indien dans son pays.
Narendra Modi a été reçu à Washington pour une visite d’État au mois de juin. Le Premier ministre indien a fait assaut de politesse envers le président américain au moment du G20 dans son pays il y a quelques jours. Pour autant, le Canada reste le voisin direct et un allié historique et proche de Washington. C’est pourquoi l’administration doit peser ses mots.
Le porte-parole pour les communications stratégiques John Kirby explique que la relation avec l’Inde reste d’une importance vitale non seulement pour la région de l’Asie du Sud, mais aussi, bien entendu, pour la région indo-pacifique. Il se dit néanmoins profondément préoccupé par les allégations canadiennes et insiste pour que l’enquête aille à son terme. Une déclaration suffisamment mesurée pour que la porte-parole adjointe du conseil de sécurité nationale publie ensuite un communiqué pour dire que cibler des dissidents dans d’autres pays est inacceptable.
RFI