Des compagnies minières accusées de graves violations des droits humains dans le secteur cuivre – cobalt en RDC selon un rapport

L’expansion des mines industrielles de cobalt et de cuivre entraîne souvent l’expulsion forcée de populations entières et d’autres graves atteintes aux droits humains, notamment des agressions sexuelles, des incendies volontaires et des violences en République Démocratique du Congo (RDC), a-t-on appris dans un rapport publié le 11 septembre 2023 par Amnesty International et l’Initiative pour la bonne gouvernance et les droits humains (IBGDH), une organisation congolaise spécialisée dans la gouvernance des industries extractives.

Le rapport dans les colonnes de l’Agence Ecofin ce 21 septembre 2023 souligne que les expulsions forcées sont réalisées par des compagnies minières qui ont peu de considération pour les droits des populations affectées et le respect de la législation nationale, parfois avec la complicité d’autorités locales.

Intitulé « Powering change or Business as Usual ? Forced evictions at industrial cobalt and copper mines In the Democratic Republic of Congo », le rapport se base sur des entretiens réalisés sur terrain avec plus de 130 personnes concernées par six projets miniers différents dans la ville de Kolwezi et aux alentours, dans la province du Lualaba (sud de la RDC).

L’Agence Ecofin relate que les chercheurs ont également analysé des documents, des correspondances, des photos, des vidéos, des images satellites et des réponses reçues des compagnies minières citées.  Il en ressort que des populations locales ont été expulsées de force de leurs habitations et de leurs champs pour permettre l’expansion de projets d’extraction du cuivre et du cobalt détenus par des compagnies minières multinationales, alors que la demande croissante de technologies énergétiques vertes entraîne une hausse de la demande de ces deux métaux essentiels à la fabrication des batteries électriques lithium-ion.

Pour étayer son agrumentation, le média en ligne raconte que, près du site de Mutoshi, géré par Chemical of Africa SA (Chemaf), une filiale de Chemaf Resources Ltd dont le siège se trouve à Dubaï, des personnes interrogées ont déclaré que des militaires avaient brûlé une agglomération informelle nommée Mukumbi pour permettre l’expansion d’un gisement de cobalt et de cuivre.

En 2015, après que Chemaf a obtenu le bail de la concession, trois personnes se disant représentants de l’entreprise lui ont rendu visite avec deux policiers pour l’informer qu’il était temps pour les habitants de Mukumbi de déménager, a a expliqué Ernest Miji, chef de Mukumbi, indiquant que les représentants de l’entreprise étaient venus quatre autres fois.

Des maisons brûlées et des viols

Des militaires de la Garde républicaine, une unité militaire d’élite, étaient ensuite arrivés à l’improviste un matin et avaient commencé à brûler des logements et à frapper les villageois qui essayaient de les en empêcher, ont ajouté nos confrères.

Les habitants de l’agglomération « n’ont rien pu récupérer », et ont été contraints de « passer des nuits et des nuits dans la brousse ».  Une petite fille, qui avait deux ans à l’époque a été grièvement brûlée et a des cicatrices irréversibles. Son oncle a déclaré que le matelas sur lequel elle était couchée avait pris feu, a noté le rapport cité par l’Agence Ecofin.

Des images satellites appuient les informations selon lesquelles Mukumbi, qui était composée d’environ 400 structures, dont une école, un établissement de santé et une église, a été détruite le 7 novembre 2016.

Après plusieurs manifestations, Chemaf a accepté, en 2019, de verser 1,5 million de dollars américains par l’intermédiaire des autorités locales, mais certaines personnes n’ont reçu que 300 dollars. Chemaf nie toute faute, responsabilité ou implication dans la destruction de Mukumbi et affirme ne pas avoir ordonné aux militaires de la détruire.

Selon le rapport, Amnesty International et l’IBGDH révèlent également que 21 agriculteurs et agricultrices faisant partie d’un collectif, dont les cultures se trouvaient aux abords du projet minier Metalkol Roan Tailings Reclamation (Metalkol RTR) situé près de Kolwezi, ont déclaré que des militaires, dont certains avec des chiens, avaient occupé en février 2020 leurs champs tandis que des bulldozers rasaient leurs cultures, sans qu’ils aient été consultés et sans aucun préavis.

Sur ce site appartenant à une filiale d’Eurasian Resources Group (ERG), dont le siège se trouve au Luxembourg et dont l’actionnaire majoritaire est l’État du Kazakhstan, une femme a déclaré avoir été violée par trois soldats alors qu’elle essayait de récolter ses cultures avant qu’elles ne soient détruites. Cette femme, qui était alors enceinte de deux mois, a eu besoin de soins médicaux. Elle a raconté ce qui lui était arrivé à sa famille et au chef du village, mais était trop effrayée pour le signaler à la compagnie minière ou aux autorités locales, a encore relevé le document.

Des indemnisations insuffisantes

Les agriculteurs et agricultrices ont manifesté à plusieurs reprises et ont réclamé une indemnisation, mais aucun recours utile ne leur a été proposé.

En réponse à ces accusations, ERG a déclaré ne pas contrôler le déploiement de militaires. L’entreprise a aussi indiqué que le gouvernement lui a signalé que le collectif d’agriculteurs avait été indemnisé par un ancien opérateur de la mine, ce que les paysans nient.

Le rapport indique d’autre part que des quartiers établis de longue date ont été détruits au cœur de la ville de Kolwezi depuis la réouverture, en 2015, d’une imposante mine de cuivre et de cobalt à ciel ouvert.

Le projet est géré par la Compagnie Minière de Musonoie Global SAS (COMMUS), une filiale commune de l’entreprise chinoise Zijin Mining Group et la Générale des carrières et des mines (Gécamines), l’entreprise minière publique congolaise.

Les habitants n’ont pas été consultés comme il se doit, et les projets d’élargissement de la mine n’ont pas été rendus publics. Certains habitants n’ont appris que leur logement allait être démoli que quand des croix rouges ont été dessinées sur leurs propriétés, lit-on dans les colonnes du rapport cité par Ecofin.

Les personnes expulsées ont déclaré que l’indemnisation accordée par COMMUS ne leur permettait pas d’acheter un logement équivalent. En conséquence, de nombreuses personnes ont dû déménager vers des logements sans eau courante et sans source d’électricité fiable, en banlieue de Kolwezi, et ont vu leur niveau de vie se dégrader.

Notant que les autorités congolaises « ont activement participé à des expulsions forcées ou les ont facilitées », Amnesty International et l’IBGDH demandent à Kinshasa d’instaurer un moratoire sur les expulsions de masse jusqu’à ce qu’une commission d’enquête ait évalué les lacunes dans la mise en œuvre des protections prévues par la loi contre les expulsions forcées, et élaboré des réformes concrètes.

L’Agence Ecofin a conclu que les deux ONG ont aussi demandé aux entreprises minières d’enquêter sur les atteintes aux droits humains identifiées, d’accorder sans délai des réparations adéquates et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher de futurs préjudices.

VivAfrik  

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