Endettement de la France : Pierre Moscovici réfute les prévisions du gouvernement

En conférence de presse, le président du Haut conseil des finances publiques n’a pas caché son scepticisme quant à la trajectoire financière anticipée par le gouvernement Borne jusqu’en 2027.

Il était attendu. Face à la presse, le président du Haut conseil des finances publiques (HCFP), Pierre Moscovici, a présenté ce lundi 25 septembre l’avis de l’organisme indépendant concernant le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023-2027. Après avoir été retoqué par l’Assemblée nationale à l’automne 2022, ce texte légèrement révisé par le gouvernement d’Elisabeth Borne revient cette semaine devant le Parlement.

“Il est indispensable que la France se dote d’une loi de programmation des finances publiques”, a martelé en préambule Pierre Moscovici.

Plus symbolique que véritablement contraignante, quoi qu’elle conditionne le paiement de certains fonds européens, la loi de programmation des finances publiques vise surtout à définir les orientations pluriannuelles des finances publiques. Et cela, en offrant notamment un cadre de travail budgétaire aux gestionnaires publiques des différentes administrations.

Des hypothèses jugées “optimistes”

Si le gouvernement d’Elisabeth Borne a légèrement revu sa copie par rapport au texte initial, en anticipant une réduction plus forte (-0,2 point) du déficit à l’horizon 2027 (-2,7%), il n’a guère soulevé l’enthousiasme du HCFP. Et pour cause… les hypothèses macroéconomiques retenues par l’exécutif sur la période 2023-2027 ont surtout provoqué le scepticisme de l’organisme qui les juge “optimistes”. “Elles ne sont pas irréalistes, elles pourraient même arriver, mais elles demeurent favorables”, a euphémisé Pierre Moscovici en s’adressant aux journalistes.

Dans le viseur du Haut conseil des finances publiques figure notamment la croissance potentielle anticipée par le gouvernement à +1,35% par an entre 2023 et 2027. “Cette évaluation est la plus élevée des prévisions disponibles”, a pointé Pierre Moscovici. “A titre de comparaison, si elle s’avère proche des anticipations du FMI (+1,3%), elle est nettement supérieure à celle anticipée par la Commission européenne (+0,8%)”, souligne l’avis du HCFP. “Le gouvernement donne l’impression que l’effet de la hausse des taux est déjà passé”, s’est inquiété l’ancien ministre de l’Economie.

Une trajectoire difficilement tenable

Pour Pierre Moscovici, les conjectures “optimistes” du gouvernement “fragilisent la trajectoire des finances publiques”. De fait, si le HCFP loue l’effort programmé de désendettement, il ne manque pas de s’interroger sur sa crédibilité. Car la situation économique s’est dégradée ces derniers mois avec la remontée des taux d’intérêt.

En témoigne la hausse spectaculaire de la charge d’intérêts de la dette qui devraient atteindre 84 milliards d’euros à l’horizon 2027 contre 57 milliards en 2024. Dès 2026, le remboursement des intérêts de la dette publique devrait même devenir le premier poste de dépense de l’État, devant l’Education nationale.

Haut conseil des finances publiques

Dans ces conditions, la question de la baisse des dépenses publiques redevient centrale dans l’équation budgétaire. “Cette trajectoire suppose la réalisation d’importantes économies structurelles en dépenses (…)”, prévient le HCFP. Dès 2024, le gouvernement ambitionne d’économiser environ 15 milliards d’euros via le projet de loi de finances.

Pour 2025, l’exécutif tablerait sur 12 milliards d’euros d’économies. Seul hic : “Les pistes d’économies sont pour le moment peu documentées”, a déploré Pierre Moscovici.

Paradoxe de la situation budgétaire, la trajectoire de réduction de l’endettement paraît à l’échelle de l’Hexagone difficilement atteignable, mais est jugée finalement “peu ambitieuse au regard des engagements européens de la France” par le Haut conseil des finances publiques. En 2027, la dette française pourrait atteindre 108,1% du PIB, contre 111,8% à la fin de l’année 2022.

Une réduction “homéopathique”, juge Pierre Moscovici. Ce ratio élevé “placerait la France parmi les pays les plus endettés de la zone euro”, n’a pas manqué de rappeler le président du HCFP.

Financer la transition écologique

“Payer pour le remboursement de la dette constitue la dépense publique la plus inutile par excellence”, a une nouvelle fois scandé Pierre Moscovici face à la presse. D’autant que la France va devoir dégager des marges de manœuvres financières, de l’ordre de 35 milliards d’euros par an selon un rapport de France Stratégie, pour accompagner la transition écologique.

“Mais comment financer la transition écologique avec une telle situation des finances publiques ?”, s’est ému l’ancien commissaire européen. Pour ce dernier, il n’y a pas le choix : “Le désendettement est un impératif catégorique.”

capital

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