Emmanuel Macron a annoncé la fermeture des deux dernières centrales à charbon de France d’ici à 2027. Il veut les transformer en centrales biomasses. Mais des associations et des scientifiques craignent les dérives de cette énergie.
Si la France veut respecter ses objectifs climatiques, elle « doit sortir du charbon ». Interrogé sur la transition écologique dimanche 24 septembre, Emmanuel Macron a fixé au 1er janvier 2027 la fin des centrales à charbon en France.
Actuellement, le charbon représente une faible part (0,6 % en 2022) de la production d’électricité en France avec deux centrales actives : celle de Cordemais (Loire-Atlantique) et celle de Saint-Avold (Moselle).
Toutefois, cette ressource est considérée comme l’un des plus polluantes et Emmanuel Macron avait déjà promis d’en sortir en 2020 puis en 2022. Des dates qui ont été repoussées face aux difficultés de la filière nucléaire à absorber des pics de consommation pendant l’hiver.
« Convertir à la biomasse »
Les deux dernières centrales à charbon françaises sont donc amenées à évoluer dans les prochaines années. « On va complètement les convertir à la biomasse », a expliqué le président de la République. D’ailleurs, le processus avait déjà été enclenché pour la centrale de Cordemais avec le lancement d’une enquête publique.
Concrètement, il s’agit de créer de l’électricité à partir de la combustion de matière organique. « Là où on mettait du charbon, on va mettre le recyclage de notre agriculture et les forêts », a encore déclaré Emmanuel Macron.
Cette solution fait partie des hypothèses évoquées par le Réseau de transport d’électricité dans son bilan prévisionnel 2023-2035 pour se passer des centrales à charbon tout en assurant la sécurité d’approvisionnement en électricité.
« La croissance des arbres prend du temps »
La biomasse a l’avantage d’être considérée comme une énergie renouvelable. « En théorie, une fois coupés, les arbres repoussent et captent le CO2 qui est émis lors de la combustion du bois », explique l’écologue et géographe Wolfgang Cramer. Toutefois, le chercheur au CNRS met en garde : « Mais la croissance des arbres prend du temps. Pour compléter ce cycle, il faut respecter des échelles de volume et de temps. »
Pour le scientifique, la biomasse peut être une bonne solution quand elle est utilisée à petite échelle, par exemple lorsque des petites communes utilisent des déchets agricoles pour se chauffer. En revanche, il estime que les déchets ou les résidus ne suffisent pas pour des centrales de grande échelle. Ce qui peut avoir des effets néfastes sur l’environnement.
« Pour fonctionner, ces centrales nécessitent du bois en très grande quantité. Cela implique de couper énormément d’arbres. Et ceux-ci ne repoussent pas aussi vite », estime le scientifique. Selon lui, un cycle accéléré du renouvellement des forêts aurait un impact sur la biodiversité « qui a besoin de forêts anciennes » mais aussi sur le climat puisque les forêts « jouent un rôle très important dans le stockage du carbone ».
Une énergie « pas illimitée »
« C’est une énergie renouvelable mais elle n’est pas illimitée comme peuvent l’être le vent ou le soleil. Il y a un temps de régénération des forêts qui peut être important », résume Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace. Il s’inquiète notamment de l’impact que de telles centrales pourraient avoir sur « une forêt française qui est déjà en très mauvais état, notamment à cause de la sécheresse ».
En mars, le Conseil d’État a d’ailleurs annulé l’autorisation d’exploitation de la centrale de Gardanne considérant que les incidences environnementales n’ont pas été prises en compte par les études d’impact.
Dans son rapport, RTE évoque des « incertitudes » sur ces projets de conversion, notamment dues à une « tension sur le gisement de biomasse ». L’opérateur explique avoir dû revoir à la baisse « le potentiel de biomasse disponible pour décarboner l’économie ».
« Le choix de la facilité »
Et si la forêt française n’est pas en mesure de fournir suffisamment de ressources, Wolfgang Cramer craint que la France ait recours à l’importation. « Les ressources en biomasse dite « durable » sont limitées partout dans le monde, il y a donc un grand risque que nos centrales à biomasse détruisent les forêts ailleurs. En plus, on ajoute au bilan les émissions de gaz à effet de serre pour les transports. »
C’est par exemple, ce qui va se passer à La Réunion qui va convertir ses centrales à la biomasse mais qui ne dispose pas de suffisamment de ressources et qui devra donc importer du bois, notamment du Canada.
« On a l’impression que les centrales à charbon aujourd’hui, à biomasse demain, sont un peu le choix de la facilité pour le gouvernement », ajoute Nicolas Nace de Greenpeace. Selon lui, la France pourrait s’orienter vers d’autres solutions et notamment investir dans des capacités de stockage de l’électricité pour faire face à d’éventuels pics de consommation.
Pour rappel, dans le cadre de l’accord de Paris, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050 pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C.
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