Les pays riches comme les économies en développement vont devoir considérablement avancer leurs objectifs de neutralité carbone pourtant déjà ambitieux, a affirmé mardi l’agence internationale de l’énergie (AIE) en soulignant que l’essor des « énergies propres » constituait le principal levier pour maintenir à portée de main les objectifs climatiques.
Les « économies avancées » telles que les Etats-Unis et l’Union européenne, vont devoir anticiper de 5 ans – de 2050 à 2045 – leur objectif de neutralité carbone, et la Chine de 10 ans à 2050, pour rester dans les clous de l’accord de Paris et ainsi donner une chance au monde de limiter le réchauffement planétaire à +1,5 degré Celsius par rapport à l’ère pré-industrielle, a estimé l’AIE dans un nouveau rapport.
« Le secteur de l’énergie évolue plus rapidement que ce que beaucoup pensent, mais il reste encore beaucoup à faire et le temps presse », a souligné l’agence de l’énergie de l’OCDE basée à Paris.
Tout en saluant l’essor « très impressionnant » des énergies propres aux Etats-Unis, dans l’Union européenne, en Chine et en Inde, ces investissements dans ce secteur devront passer de 1.800 milliards de dollars à 4.500 milliards d’ici 2030, a souligné le chef de l’AIE, Fatih Birol.
Son rapport intervient à quelques semaines de négociations cruciales à la 28e Conférence sur le climat des Nations unies à Dubaï où l’avenir des énergies fossiles devrait donner lieu à d’âpres débats.
Il s’agit de l’actualisation de son « Net Zero Roadmap », feuille de route pour la neutralité carbone en 2050, dont la publication en 2021 avait marqué les esprits en appelant le monde à renoncer « maintenant » à tout nouveau projet pétrolier ou gazier.
– Tâche « herculéenne » –
Deux ans plus tard, quel bilan? Ces deux dernières années, « les émissions du secteur de l’énergie sont restées obstinément élevées, atteignant un nouveau record de 37 milliards de tonnes de CO2 en 2022 », relève l’AIE.
Mais les progrès sont là, en témoigne l’essor rapide de l’électricité solaire et de l’électrification du parc de véhicules, qui permet selon l’AIE de maintenir à portée de main les objectifs climatiques les plus ambitieux de l’accord de Paris en 2015.
« La voie vers (l’objectif de) 1,5°C s’est rétrécie au cours des deux dernières années, mais la croissance des technologies d’énergie propre la maintiennent ouverte », veut croire l’AIE, qui appelle aussi à « l’efficacité énergétique ». « Nous avons des raisons légitimes d’être optimistes » même si la tâche s’annonce « herculéenne », a déclaré le chef de l’AIE Fatih Birol au cours d’un point presse.
Selon l’AIE, le développement des énergies propres est le principal levier pour faire baisser la demande de combustibles fossiles de plus de 25% cette décennie et leur essor conduit à une baisse des émissions de CO2 dans l’énergie de 35% d’ici 2030.
« À l’approche de la COP28, les dernières données scientifiques sont sans équivoque: l’ère des énergies fossiles touche à sa fin », a commenté Laurence Tubiana, présidente de la Fondation européenne pour le climat.
L’AIE a récemment affirmé que le pic de la demande de toutes les énergies fossiles – pétrole, gaz et charbon – sera atteint « dans les prochaines années » de la décennie, grâce au bond des énergies plus propres et de la voiture électrique.
– Gare au moindre retard –
« Encourageant » certes mais « pas suffisant pour atteindre l’objectif de 1,5°C », insiste l’Agence, en soulignant que « presque tous les pays doivent avancer leurs dates de cibles de neutralité carbone ». En particulier les « économies avancées » devront être en première ligne pour « accélérer encore et plus rapidement la transition énergétique », a indiqué à la presse Laura Cozzi, directrice de la prospective à l’AIE.
Avec un réchauffement actuel d’environ 1,2 degré par rapport à l’ère pré-industrielle, le monde connaît déjà une montée en puissance des catastrophes climatiques destructrices, touchant le plus durement les populations vulnérables.
Un retard dans les ambitions rendrait les pays plus dépendants de technologies de captage de CO2 pourtant « chères » et encore « non éprouvées à grande échelle », estime l’AIE, alors que les critiques montent sur ces technologies promettant d’extraire le CO2 de l’atmosphère et de la stocker durablement.
Si de telles technologies ne parviennent pas à atteindre l’échelle requise – notamment en filtrant 0,1% de l’atmosphère chaque année d’ici 2100 – ramener la hausse des températures à 1,5°C « ne serait pas possible », prévient l’AIE.
AFP