Six jeunes Portugais assignent 32 pays devant la CEDH pour inaction climatique

La Cour européenne des droits de l’homme examine ce mercredi 27 septembre la plainte de six jeunes Portugais qui assignent 32 pays pour inaction climatique. Une première.

Pour Claudia Duarte Agostinho, sa sœur, son frère, sa voisine et deux amis, le jour tant attendu est enfin arrivé. Six ans après avoir entamé leur action en justice, leur plainte sera examinée ce mardi par la Cour européenne des droits de l’homme. Âgés de 11 à 24 ans, les plaignants ont vécu de près les incendies qui ont brûlé des dizaines de milliers d’hectares et fait plus de 100 morts dans leur pays en 2017.

Une catastrophe qui a provoqué chez eux une prise de conscience du réchauffement climatique, et l’envie ardente de demander des comptes.

« Les gouvernements européens ne parviennent pas à nous protéger », soutient André Oliveira, 15 ans, l’un des six requérants. Lui et ses camarades accusent les 27 États de l’Union européenne ainsi que la Russie, la Turquie, la Suisse, la Norvège et le Royaume-Uni de ne pas limiter suffisamment leurs émissions de gaz à effets de serre, estimant que cela alimente le réchauffement climatique et affecte leurs conditions de vie et leur santé.

Juridiquement, les six jeunes Portugais allèguent de violations du « droit à la vie » et du « droit au respect de la vie privée », inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, au regard notamment des engagements internationaux inscrits dans l’accord de Paris sur le climat en 2015.

Leur avocat, Gerry Liston, membre l’ONG britannique Global Legal Action Network (Glan), espère de la CEDH une décision « qui agirait comme un traité contraignant imposé par la Cour » aux États et leur intimerait « d’accélérer leurs efforts pour atténuer le changement climatique ».

« D’un point de vue juridique, ça changerait la donne », juge-t-il, alors qu’en Europe comme ailleurs les tribunaux sont de plus en plus sollicités contre l’inaction climatique des gouvernements ou les politiques polluantes des entreprises (voir encadré).

À Strasbourg, siège la CEDH, l’affaire est prise au sérieux : classée « prioritaire », elle va en plus être débattue devant la formation la plus solennelle de la Cour, la Grande chambre, composée de 17 juges. Car si la CEDH a produit, depuis trois décennies, de nombreuses décisions en lien avec l’environnement, c’est la première fois qu’elle se penche spécifiquement sur le réchauffement climatique.

Mais avant de se prononcer sur le fond, la Cour examinera en premier lieu la recevabilité de la requête, qui implique le respect de critères stricts sur lesquels de nombreux dossiers se sont désagrégés par le passé, y compris en matière environnementale. Et dans la procédure intentée par les six Portugais, la question devrait être vivement débattue.

La CEDH exige habituellement que les requérants aient épuisé les voies de recours devant les tribunaux nationaux avant de se tourner vers elle. Or ici, les six plaignants ont directement saisi l’institution : conduire des procédures distinctes dans chacun des 32 États visés représenterait selon eux une « charge excessive et disproportionnée », dont ils se sont donc dispensés.

Litiges climatiques: explosion du nombre d’actions en justice
L’université américaine de Columbia, qui comptabilise les litiges climatiques à travers le monde, recense à ce jour 2 992 affaires en cours.

Parmi ces procédures judiciaires, il y a celles lancées par des particuliers qui assignent des États. Les plaintes déposées par des enfants, adolescents ou de très jeunes adultes ont reçu beaucoup d’attention médiatique, comme celle de ces seize jeunes Américains qui ont gagné il y a quelques semaines leur procès contre l’État du Montana qu’ils accusaient d’enfreindre leur droit constitutionnel à un environnement propre et sain en favorisant l’industrie des énergies fossiles.

Mais il y a aussi des États qui portent plainte contre des entreprises. Comme la Californie qui poursuit les cinq plus grandes compagnies pétrolières du monde pour avoir causé des milliards de dollars de dégâts tout en minimisant les risques pour le climat dus aux énergies fossiles. Ou encore des États qui en assignent d’autres, comme ces pays insulaires menacés par l’élévation du niveau de la mer et qui tentent par un procès de contraindre les pays pollueurs à accélérer leur lutte contre le changement climatique.

 AFP

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