Cela fait près de deux mois que la France a suspendu son aide publique au développement au Niger et au Burkina Faso. Les financements s’élevaient à près de 200 millions d’euros. Et aujourd’hui, des ONG tirent la sonnette d’alarme. Sans ces investissements, près d’une centaine de projets destinés aux populations locales sont directement menacés.
Même si les ONG françaises sont autorisées à poursuivre leurs actions au Niger et au Burkina Faso, certaines sont bloquées. En cause, il y a la suspension des financements français. Olivier Bruyeron, président de la Coordination SUD, qui rassemble plus de 180 organisations, s’en inquiète : « Concrètement, c’est tout un ensemble de projets qui sont menacés d’être arrêtés.
On parle de service d’aide à l’évolution des pratiques agricoles en lien avec le changement climatique, on parle de service de santé, de service d’éducation, etc. Donc, des services très importants dans le quotidien de dizaines de milliers de personnes. Nous avons besoin de sortir de cette zone de flou, vraiment, dans les jours et semaines qui viennent. »
Les ONG sont inquiètes, car elles voient déjà les conséquences de l’arrêt de l’aide au développement françaises au Mali depuis l’an dernier. Frédéric Apollin, directeur d’Agronomes et vétérinaires sans frontières : « Nous, on a un exemple dans le nord du Mali de caravanes de santé qui soignent à la fois des hommes, des femmes, des animaux, qui tournaient dans les campements pastoraux.
C’était géré par une ONG malienne qui n’a plus les ressources financières pour le faire. Donc, ce service, qui servait plus de 30 000 familles, est inexistant depuis deux ans ».
Les ONG en appellent au gouvernement français pour rétablir les financements au Burkina et au Niger, une région où près de 18 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire.
Une aide apolitique
Mais elles dénoncent aussi une politisation croissante de l’aide publique au développement. « L’aide au développement devient de plus en plus un instrument de négociation dans les relations internationales », alertent plusieurs ONG, comme CCFD-Terre solidaire.
« On assiste depuis quelque temps à un discours qui fait apparaître la conditionnalité de l’aide, conditionnalité à des motifs économiques, diplomatiques, politiques, s’inquièteManuèle Derolez, la déléguée générale de CCFD-Terre solidaire. L’aide doit demeurer quelque chose de tournée vers la solidarité, en accord avec les valeurs de la France. »
En France, l’aide publique au développement est régie par une loi de 2021, qui dispose que son objectif est avant tout de lutter contre la pauvreté. Les ONG dénoncent l’ambiguïté du gouvernement. « Il l’utilise peut-être comme une arme politique, en tout cas, nous souhaitons que ce ne soit pas le cas, insiste Frédéric Apollin, directeur-exécutif d’Agronomes et vétérinaires sans frontières.
L’aide, qui co-finance des projets société civile et l’aide humanitaire, qu’elle transite par des organisations de la société civile ou par d’autres canaux, le PAM ou les Nations unies, doit être déliée de tout enjeu politique. »
Les ONGs veulent un débat au Parlement français. Objectif : réaffirmer l’utilisation apolitique de l’aide au développement
rfi