Retrait des troupes françaises : quelles conséquences pour le Niger ?

L’armée française quitte le Niger. Plus de 1500 hommes ne participeront plus au côté des forces nigériennes à la lutte contre les groupes armés djihadistes. Le Niger doit lutter à ses frontières avec le Mali et le Burkina Faso contre la propagation de la menace terroriste. Quelles seront les conséquences du départ pour l’armée nigérienne ? Analyse.

C’était l’une des dernières grandes opérations de l’armée française au coté des forces armées nigériennes (FAN). Ce premier mai 2023 à quelques 20 kilomètres de la frontière avec le Mali, 70 parachutistes français et de soldats nigériens sautaient sur le Liptako nigérien, l’un des zones les plus dangereuses du pays, zone d’activité et de regroupement des forces djihadistes. L’opération allait durer une vingtaine de jours. Le drapeau du Niger flottait enfin sur le poste militaire renforcé (PMR) innocupé par les FAN depuis deux ans.

Le départ des Français du Niger ne crée pas un vide sécuritaire au niveau territorial.

Ces opérations conjointes sont désormais terminées depuis le coup d’Etat militaire du 26 juillet et le renversement du président Bazoum, élu démocratiquement. L’armée française va plier bagage d’ici la fin de l’année. Plus de 1500 hommes avec des drones armées et six avions de combat vont quitter le Niger et ne participeront plus à la lutte contre les groupes armés.

Le Niger doit faire face à l’est du pays dans la zone des trois frontières (Mali-Niger- Burkina Faso) à deux entités armés djihadistes puissantes, l’EIGS, l’État islamique dans le Grand Sahara et le GSIM, le Groupe de soutien à l’Islam et au musulmans affilié à Al-Qaïda.

L’armée nigérienne, forte de 30 000 hommes doit également faire face aux djihadistes issus de Boko Haram à la frontière avec le Nigeria dans le sud-ouest du pays. Ces derniers mois, avant le renversement du président Bazoum, l’armée nigérienne avait réussi à contenir les groupes djihadistes dans le pays.

« Au Mali, on a assisté à un affaiblissement durable et réel de la situation sécuritaire avec le départ des Français. L’armée française avait constitué une infrastructure militaire au Mali, notamment dans le nord du pays avec des bases créées ex-nihilo. Lorsque les militaires français ont quitté ces bases, les forces maliennes n’ont pas su, par faiblesse, les conserver. Il y avait un vide territorial et sécuritaire à combler ». Cela n’est pas le cas au Niger selon Seidik Abba, journaliste nigérien, spécialiste des questions sécuritaires et auteur de « Mali, notre Afghanistan ».

L’armée nigérienne est une armée aguérrie et qui s’est transformée et équipée et qui fait face aux groupes armés notamment sous les présidence de Issoufou et de Bazoum.

Roland Marchal, chercheur à Sciences-Po Paris.

« Les soldats français logent dans les mêmes casernes et les mêmes bases que les forces nigériennes. Le départ des Français ne crée pas un vide sécuritaire au niveau territorial. Le cas le plus connu est celui de la base aérienne de Niamey près de l’aéroport de la ville où les soldats et aviateurs français sont aux coté des Nigériens », explique le journaliste. Roland Marchal, professeur à Sciences-Po Paris, lui ne craint pas à l’instar de Seidik Abba « un effondrement sécuritaire » du pays comparable à ce qui s’est passé au Mali et au Burkina. L’armée nigérienne face à la menace est « résiliente » estime lui Seidik Abba.

« L’armée nigérienne est une armée qui s’est aguérrie et qui s’est transformée sous les présidences de Mahamadou Issoufou (2011-2021) et Mohamed Bazoum (2021-2023) et qui s ‘est équipée et qui fait face aux groupes armés », décrit lui Roland Marchal. Le 24 mai dernier sous la présidence Bazoum la Turquie livrait six drones Bayraktar TB2 au Niger.

« Au Burkina Faso, de fait vous n’avez plus réellement d’armée. Au départ de Blaise Compaoré (président de 1987 à 2014), le nouveau régime a dissous sa garde présidentielle, le régiment de sécurité présidentielle, seule unité bien équipée. Les autorités bukinabé en ont été réduites à armer la population face aux groupes djihadistes », constate Roland Marchal.

Les forces françaises dispensaient un soutien aérien et fournissaient du renseignement aux forces nigériennes.

Seidik Abba, journaliste nigérien, auteur de « Mali, notre Afghanistan »

« Au Mali, les militaires au pouvoir ont fait appel à la société paramilitaire Wagner face aux djihadistes. Mais pour quel résultat ? Les forces de Wagner face à des groupes djihadistes bien armés et bien équipés n’ont pas été d’une très grande efficacité militaire. Elles avaient également échoué lors de leur tentative de prise de Tripoli pour le maréchal Haftar » en Libye, note Roland Marchal.

1100 soldats américains au Niger

Le départ des Français n’est cependant pas une bonne chose pour l’armée nigérienne selon le journaliste nigérien Seidik Abba. « Les forces françaises dispensaient un soutien aérien et fournissaient du renseignement aux forces nigériennes. C’est indispensable face à des groupes armés qui sont très mobiles », explique le journaliste.

« Ces derniers mois depuis le coup d’Etat on constate une reprise des attaques près de la zone des trois frontières », indique Seidik Abba. Au moins 17 soldats nigériens ont été tués et 20 blessés dans une attaque de djihadistes perpétrée près de la frontière entre le Niger et le Burkina Faso le 16 août dernier.

« La situation sécuritaire s’est dégradée aussi parce que les militaires après le coup d’Etat ont regroupé leures meilleures unités à Niamey par crainte d’une intervention militaire de la Cédéao ou de la France. Dans certains territoires les groupes armés djihadistes ont retrouvé une certaine mobilité », explique le journaliste nigérien Seidik Abba.

« Le retrait des Français constitue un moins sécuritaire. Le Tchad reste un allié du Niger dans la région. En cas de coup dur l’armée tchadienne pourraît préter main forte à l’armée nigérienne. Mais il ne faut pas oublier que les Américains restent présents au Niger. Washington a fait en sorte contrairement à la France de ne pas couper les ponts avec le nouveau pouvoir. Ils ont énormément investi dans la base d’Agadez.

Ils n’entendent pas partir. Aujourd’hui les Américains forment les militaires nigériens même si ils ne participent pas à des opérations militaires. Ils pourraient soutenir militairement le Niger », estime le chercheur à Sciences Po Paris.

Aujourd’hui plus de 1100 soldats américains sont au Niger. Agadez constitue la deuxième base américaine sur le continent derrière Djibouti.

tv5monde

You may like