L’ONU annonce l’envoi ce week-end d’une mission au Haut-Karabakh pour évaluer principalement les besoins humanitaires, une première depuis environ 30 ans. Hier soir, l’enclave du Haut-Karabakh s’est quasiment vidée de ses habitants arméniens. Selon la porte-parole du Premier ministre Nikol Pachinian, plus de 100.000 réfugiés sont arrivés en Arménie.
« Le gouvernement d’Azerbaïdjan et l’ONU se sont mis d’accord sur une mission dans la région. La mission aura lieu ce week-end », a déclaré le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric.
Nouveau bilan
Dans leur fuite sur l’unique route montagneuse reliant le territoire à l’Arménie, au moins 170 personnes ont par ailleurs péri dans l’explosion lundi d’un dépôt de carburant, selon un nouveau bilan communiqué par la police des forces séparatistes.
« Les restes des corps de 170 personnes ont été retrouvés à ce jour », a-t-elle indiqué. Ils seront envoyés en Arménie pour identification.
De nombreux automobilistes avaient fait une halte dans cette station située en périphérie de la capitale Stepanakert, l’une des rares encore en service.
L’accident a aussi fait 349 blessés, la plupart souffrant de graves brûlures.
Un Arménien blessé lors d’une explosion dans une station-service à Stepanakert, est transporté au Centre médical national des brûlés d’Erevan, en Arménie.
Près de 600 morts
Au total, près de 600 morts sont à déplorer dans le sillage de l’offensive militaire victorieuse de Bakou, qui a conduit les séparatistes à capituler le 20 septembre.
Les combats eux-mêmes ont tué environ 200 soldats dans chaque camp.
Souvenirs et livres brûlés
L’enclave a décrété jeudi la dissolution « de toutes les institutions gouvernementales (…) au 1er janvier 2024« , signant la fin de l’existence de « la République du Nagorny Karabakh » autoproclamée il y a plus de 30 ans.
En quelques jours, environ 99.000 personnes, soit plus de 80% des 120.000 habitants officiels du territoire, ont quitté leur foyer, selon le dernier décompte d’Erevan cité par l’agence russe Interfax.
La population redoute en effet des représailles : cette région à majorité chrétienne, qui avait fait sécession de l’Azerbaïdjan à majorité musulmane à la désintégration de l’URSS, s’est opposée pendant plus de trois décennies à Bakou, notamment lors de deux guerres entre 1988 et 1994 et à l’automne 2020.
Parmi les réfugiés rencontrés par l’AFP à Goris, tous racontent la terreur face à l’arrivée des soldats ennemis.
Et la plupart, dans cette région ultra-militarisée où tous les hommes ont l’expérience de l’armée et du combat, disent avoir brûlé leurs uniformes, documents militaires, et parfois beaucoup plus.
« Les photos de famille, nos souvenirs, les livres d’histoire de nos héros. Il est hors de question que les Azerbaïdjanais les souillent », dit une jeune fille, Larissa.
Impossible cohabitation
« Personne ne croit en la possibilité de cohabitation des deux communautés. Ni les Arméniens, ni les Azéris ne sont préparés à cette option », estime Bayram Balci, chercheur à Sciences Po en France.
Si ce flux ininterrompu a ravivé les craintes d’un « nettoyage ethnique », il souligne que les Arméniens du Haut-Karabakh « sont partis d’eux-mêmes ». « Je trouve cela beaucoup plus inquiétant » que si on les avait chassés, ajoute-t-il, estimant que seuls « 5 à 10.000 habitants vont peut-être demeurer » sur place.
La peur des habitants est nourrie selon Erevan par une série d‘ »arrestations illégales » au sein des colonnes de civils, bien que les autorités azerbaïdjanaises se soient engagées à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes de partir.
Les services de sécurité de l’Azerbaïdjan ont annoncé vendredi le placement en détention d’un général arménien, Davit Manoukian, accusé de « terrorisme » au Haut-Karabakh.
« Quand le gouvernement dit qu’il va bien traiter les Arméniens, c’est totalement faux », lâche l’avocate Zhala Bayramova, fille d’une figure de l’opposition emprisonnée, alors que le président azerbaïdjanais Ilham Aliev s’est encore engagé vendredi à garantir leurs droits.
Dans une Arménie débordée par les exilés, gronde désormais la colère. Les opposants au Premier ministre Nikol Pachinian, accusé de passivité face à la victoire éclair de Bakou, ont prévu d’organiser un rassemblement samedi après avoir mis en sourdine ces derniers jours leurs critiques.
Erevan rejette la faute sur la Russie, une alliée traditionnelle censé garantir depuis 2020 le plein respect du cessez-le-feu et qui n’est pas intervenue.
Moscou doit maintenant discuter avec l’Azerbaïdjan de l’avenir de sa mission de maintien de la paix, devenue obsolète.
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