Plonger dans la palette de Vincent Van Gogh ou discuter avec l’avatar de ce monstre sacré est désormais possible dans une exposition faisant appel à la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle, à partir de mardi au musée d’Orsay.
Intitulée « Van Gogh à Auvers-sur-Oise, les derniers mois », elle s’intéresse aux derniers instants de l’artiste, qui s’est suicidé dans un champ en 1890, à 37 ans, après y avoir peint 74 tableaux en 70 jours.
Pour la première fois, une cinquantaine de ces tableaux sont réunis. Parmi eux, le tout dernier, « Racines d’arbres », jamais exposé en France, et son célèbre « Champ de blé aux corbeaux », peint quelques semaines avant la tragédie, précise Emmanuel Coquery, commissaire de l’exposition avec l’historienne de l’art Nienke Bakker.
L’expérience physique des tableaux se prolonge par son pendant virtuel, interactif et sensoriel.
Muni d’un casque de réalité virtuelle, le visiteur ouvre une porte et atterrit dans la salle à manger du Dr Gachet, médecin et ami de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, au nord de Paris.
Sur la table, la fameuse palette, numérisée en haute définition, qui devient gigantesque, se transformant en un paysage mouvant, tout en amalgames de couleurs et empâtements.
Guidé par la voix de Marguerite, la fille du docteur, dont Van Gogh a peint le portrait, le visiteur voit surgir l’église d’Auvers-sur-Oise, la touche, attrape des boules de couleur qu’il peut mélanger, avant de les voir se muer en traits et spirales, emblématiques de la technique du peintre.
L’expérience, accompagnée des transcriptions pour piano de Franz Liszt des opéras de Wagner, compositeur préféré de Van Gogh, s’achève avec émotion dans des racines d’arbres qui plongent vers les profondeurs de la terre.
Cette séquence semble faire écho à l’état psychique du peintre: mélancolie, obsession de la mort mais aussi urgence à sublimer la vie. Avant d’arriver à Auvers-sur-Oise, il s’est tranché l’oreille et a fait plusieurs tentatives de suicide.
Reconnaissance vocale
Tout aussi surprenante, une borne interactive animée par une intelligence artificielle (IA) sur laquelle l’avatar de Van Gogh, à l’accent néerlandais, répond aux questions des visiteurs.
Lorsqu’on interroge le peintre sur sa couleur préférée, il répond sans hésitation le jaune. Idem, lorsqu’on évoque le « Champ de blé aux corbeaux », emblématique, dit-il, de « (son) état d’esprit à cette époque ».
Mais lorsqu’on le questionne sur les raisons de son « suicide », il assure que nous sommes « mal informés » et qu’il est « bien vivant » ! Répondre sur Auvers-sur-Oise ou le Dr Gachet lui pose aussi problème, la reconnaissance vocale ne s’établissant pas immédiatement, sauf à reposer la question en articulant exagérément.
« Il reconnaît les mots de la langue française mais il nous faut encore spécialiser l’IA pour qu’elle comprenne mieux les noms propres. C’est de la recherche fondamentale et nous avons encore des choses à régler. Cette expérimentation nous permettra d’améliorer le modèle », explique à l’AFP Christophe Renaudineau, patron de Jumbo Mana, la start-up strasbourgeoise qui l’a conçue.
La période à laquelle est consacrée l’exposition « n’a jamais véritablement été évoquée » dans un tel format, souligne Christophe Leribault, président du musée d’Orsay, qui s’est associé au musée Van Gogh d’Amsterdam où elle a été présentée cet été sans sa partie dédiée aux technologies immersives.
Aux côtés des oeuvres, des extraits de la correspondance de Van Gogh sont lus, dans lesquels il raconte comment « (ses) tableaux se présentent à sa vision ».
Parmi les pépites, une salle dédiée à ses derniers tableaux de paysages « double-carré » ou panoramiques, une révolution technique que Van Gogh a réalisée sans smartphone.
AFP