La Commission européenne a dévoilé ce mardi 3 octobre une liste de quatre domaines stratégiques qui devront être mieux surveillés et défendus face à des États rivaux comme la Chine.
Semi-conducteurs, intelligence artificielle, technologies quantiques et biotech. Les quatre secteurs identifiés comme stratégiques par la Commission européenne se caractérisent par leur impact important sur la société, la possibilité d’un double usage civil et militaire et des risques en matière d’atteinte aux droits humains.
Pour les sécuriser et éviter les fuites de savoir vers l’étranger, l’Union européenne pourrait recourir à différents types de mesures qui restent à décider : partenariats internationaux, soutien aux filières européennes ou nouveaux outils de ripostes comme des instruments de contrôle des exportations ou des investissements.
Des annonces sont attendues au printemps. Au préalable, la Commission veut dialoguer avec les Vingt-Sept pour identifier précisément, d’ici à la fin de l’année, les risques à atténuer. Les débats s’annoncent intenses. Les pays membres sont notoirement divisés entre partisans d’un libre-échangisme à tout crin et défenseurs d’une approche interventionniste au nom de la souveraineté. « Aujourd’hui, nous tenons notre promesse de réduire les risques pour l’économie européenne (…).
Il s’agit d’une étape importante pour notre résilience », a déclaré le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton. « Nous devons surveiller en permanence nos technologies critiques, évaluer notre exposition aux risques et, le cas échéant, prendre des mesures pour préserver nos intérêts stratégiques et notre sécurité. L’Europe s’adapte aux nouvelles réalités géopolitiques, met fin à l’ère de la naïveté et agit comme une véritable puissance géopolitique », a-t-il ajouté.
La Chine et la Russie dans toutes les têtes
L’annonce survient alors que l’UE a ouvert en septembre une enquête sur des aides présumées illégales de Pékin aux constructeurs chinois de voitures électriques, suscitant des tensions avec le géant asiatique. Le 20 juin, l’exécutif bruxellois avait détaillé une stratégie pour mieux armer le continent dans la défense de ses intérêts économiques, tout en restant ouvert au reste du monde en matière de commerce et d’investissements.
La Commission avait alors promis d’établir une liste des technologies essentielles pour lesquelles des mesures d’atténuation de risques seraient envisagées. Officiellement, la démarche ne vise pas la Chine, mais ce pays, à la fois partenaire et rival stratégique de l’Europe, est bien dans toutes les têtes, tout comme la Russie.
La crise du Covid en 2020 puis la guerre en Ukraine ont provoqué un électrochoc en Europe. La pandémie a révélé les fragilités des chaînes d’approvisionnement victimes de la fermeture des frontières en Chine, tandis que le conflit avec la Russie a montré le risque de la dépendance au gaz russe.
Réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont de leur côté approuvé définitivement ce mardi à la mi-journée un nouvel instrument européen visant à punir tout pays utilisant des sanctions économiques pour faire pression sur un membre de l’UE. Cet outil ne vise explicitement personne non plus, mais Pékin est là aussi clairement en ligne de mire. Il pourra être brandi dans un conflit comme du type de celui qui oppose actuellement la Lituanie à la Chine, ont expliqué des responsables européens.
Le pays balte accuse Pékin de bloquer ses exportations pour protester contre l’ouverture d’une représentation diplomatique taïwanaise à Vilnius. La Chine considère Taïwan comme faisant partie de son territoire. Pour l’instant, l’UE a engagé des litiges au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Dans un objectif de dissuasion, l’UE pourra recourir à différents types de représailles : gel d’accès aux marchés publics, blocage d’autorisations de mise sur le marché de certains produits, blocage d’investissements… « C’est la sortie finalement de la naïveté des européens sur le commerce. C’est le fait qu’il faut savoir se défendre, que la mondialisation heureuse que l’on nous a vendue dans les années 1990 et 2000, et bien, c’était une fable.
Et on commence à s’en rendre compte dans les institutions européennes. Cela n’existait pas avant parce que l’on était convaincu que l’on habitait dans un monde qui allait être réglé par les règles de l’OMC », explique le député européen Raphäel Glucksmann auprès de notre envoyé spécial à Strasbourg, Jean-Jacques Héry.
Outre cet instrument, l’UE s’est dotée ces dernières années d’une panoplie d’outils de défense de ses intérêts économiques pour diversifier ses fournisseurs, produire plus en Europe, exiger l’ouverture des marchés publics… La Commission a simplifié l’octroi d’aides d’État à des secteurs stratégiques comme les puces électroniques. Elle a proposé en mars un texte pour sécuriser ses achats de matières premières critiques.
AFP