Dans un documentaire de près de 30 minutes intitulé « Prédateurs sur le terrain », BBC Afrique met en lumière le vaste scandale de pédophilie qui secoue le football gabonais.
Tout a commencé avec Parfait Ndong, joueur vedette de la sélection nationale dans les années 90 avec le Gabon, qui a tout risqué pour révéler un des plus grands scandales du foot africain.
En 2019, après 20 ans à l’extérieur du pays, il décide de rentrer au Gabon et de créer une école de foot. Dès son retour, il découvre que les abus sexuels sur les jeunes joueurs sont monnaie courante. « Je ne pouvais que le dénoncer, je ne pouvais pas le garder pour moi, car j’ai aussi des enfants », dit-il dans le documentaire de la BBC. Ndong assure avoir alerté l’ensemble des instances, sportives et politiques du pays.
« Personne n’a voulu m’écouter », avance l’ancien joueur du Petrosport. Il s’est ensuite tourné vers les médias locaux, sans succès.
C’est en décembre 2021 que tout change, quand le quotidien britannique The Guardian cite dans une enquête plusieurs personnalités du foot gabonais impliquées dans un système de pédophilie en place depuis plusieurs décennies.
Depuis, l’un des entraîneurs mis en cause, Patrick Assoumou Eyi, dit « Capello », a été arrêté et attend son procès. « Tout le monde l’adulait, le voyait comme un dieu », rapporte Parfait Ndong. « Capello » a reconnu les faits. Les autres entraîneurs arrêtés nient les accusations dont ils font l’objet.
Suite aux premières révélations, le président de la Fédération gabonaise de football (Fegafoot), Pierre Alain Mounguengui, a été arrêté par les autorités gabonaises pour « non-dénonciation de crimes de pédophilie » puis incarcéré. Il est aujourd’hui toujours en poste et membre du comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF).
Une « culture d’abus sexuels ancrés dans le foot gabonais »
Une trentaine de joueurs interrogés par les auteurs du documentaire parlent d’une « culture d’abus sexuels ancrés dans le foot gabonais ». Aucun n’a voulu témoigner à visage découvert ; leurs témoignages ont été repris par des acteurs. « Ils entraient dans nos chambres au milieu de la nuit, raconte une victime présumée.
Je voyais d’autres garçons se faire emmener. Ils n’avaient pas le choix. […] Ces garçons faisaient couler du sang. Dans les toilettes et les douches, nous pouvions voir le sang sortir de leurs fesses. Ils ne pouvaient pas jouer lors du match suivant, ils ne pouvaient plus courir. »
Autre témoignage : « J’étais tellement choqué que je n’ai pas trouvé les mots pour parler. Il ne me restait que les larmes. J’ai vu comment ils ont commencé à violer mon ami. Je l’ai regardé dans les yeux, et il m’a regardé comme s’il me disait : « Allons-y avec eux, finissons-en ». Je me suis levé et j’ai voulu partir, mais la porte était verrouillée. Ils m’ont attrapé et jeté au sol. J’ai essayé de les repousser, mais ils m’ont forcé à les masturber et à leur faire une fellation.
Je leur ai dit que je ne pouvais pas le faire. J’ai pleuré et crié, jusqu’à ce qu’ils en aient fini avec mon ami. Ils l’ont laissé partir et ils m’ont dit que je ne serais plus jamais sélectionné. Et que si j’osais parler de ce qui s’était passé, ma famille serait tuée. »
« Quand je repense à ce qu’il s’est passé, j’ai envie de vomir. J’ai été harcelé, maltraité, violé », explique l’un des joueurs abusés dans son enfance. « Au Gabon, football et pédophilie vont de pair », résume un autre témoin. La Fifpro, qui rassemble les syndicats de footballeurs professionnels, dénonce le laxisme de la CAF et de la Fifa dans cette affaire.
Une des victimes qui ne vit plus au Gabon affirme que ceux qui sont sur place « ne peuvent pas témoigner » car « leur vie est en danger ». « Je connais tant de personnes qui ont été abusées, violées, et qui ne témoigneront jamais », affirme-t-il.
RFI