Intelligence artificielle: opportunité ou menace pour l’industrie culturelle?

Festival de livres, de films ou défilés de mode, l’intelligence artificielle (IA) s’invite dans les rendez-vous artistiques et culturels. À l’heure où les négociations sur l’AI Act, destiné à réglementer l’usage de l’intelligence artificielle dans l’Union, sont entrés dans la dernière ligne droite, en France plus de 70 syndicats et représentants des industries culturelles ont écrit leur inquiétude à la Première ministre Élisabeth Borne.

Ils réclament de la transparence sur l’utilisation des œuvres par l’intelligence artificielle.Ces logiciels d’IA générative capables de créer des contenus écrits, visuels ou sonores à la demande ont besoin d’apprendre. Or, regrettent les signataires de cette lettre à laquelle Le Figaro a eu accès, les IA ne « permettent pas aux auteurs de savoir si leurs œuvres ont été utilisées » ni « à quelle date elles ont intégré le corpus alimentant l’IA ». Difficile dans ces conditions de savoir si les « droits de propriété intellectuelle ont été respectés ».

Un véritable casse-tête pour les avocats.Savoir qui fait quoi est devenu bien plus compliqué même s’il y a parfois des soupçons. Il est parfois possible de « reconnaître quand c’est ChatGPT qui écrit mais on n’en a pas la preuve », confie Antoine Chéron, un avocat spécialisé. Se pose ensuite la question de la responsabilité : qui du logiciel ou de l’utilisateur sera responsable de l’utilisation d’une œuvre ?

« Les créateurs des IA les plus connues aujourd’hui comme OpenAI, propriétaire de ChatGPT ou encore DALL-e, précisent clairement, dans leurs conditions générales d’utilisation, qu’ils ne sont en aucun cas responsables de tout contenu « portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle » préexistants et renvoient la responsabilité à l’utilisateur étant à l’origine du contenu généré », souligne Antoine Chéron.

Problème, ajoute le juriste : « Au regard de la jurisprudence déjà existante la contrefaçon n’est pas retenue lorsque le contrefacteur n’avait pas connaissance de l’œuvre originale. »

Cela dit, « avant même de parler de rémunération », précise Alexandre Lasch, directeur général du syndical national de l’édition phonographique (SNEP) signataire de la lettre envoyée à Élisabeth Borne, « la priorité est de faire la lumière sur ce qui est utilisé et de quelle manière ». Objectif : que les ayant-droit puissent dire s’ils ne souhaitent pas que leurs œuvres soient utilisées.

Problème supplémentaire, complète Rémi Bourgeot, économiste et chercheur associé à l’Iris : quand bien même les publications officielles ne seraient pas prises en compte,« beaucoup d’œuvres piratées sont disponibles en accès libre, donc il y a une énorme opacité ».

L’IA générative fait déjà l’objet de plusieurs contentieux en justice
Aux États-Unis, notamment. Le mois dernier, l’Authors Guild, sorte de syndicat d’écrivains, et plusieurs plumes célèbres, dont l’auteur de Game of Thrones, ont porté plainte contre OpenAI. Ils accusent la start-up propriétaire de ChatGPT de s’être servie de leurs livres « sans permission » pour entrainer son modèle de langage.

En janvier, des plaintes ont été déposées contre d’autres logiciels comme Midjourneyou encore DeviantArt capables de créer des images. La riposte s’organise.Pour éviter d’effrayer les clients, Microsoft promet qu’il fournira une protection juridique à ses clients s’ils sont poursuivis pour violation de droits d’auteur sur des contenus générés avec ses outils d’IA générative.

Les artistes s’inquiètent de la concurrence
L’encadrement de l’usage de l’IA figurait parmi les grandes revendications des scénaristes américains qui viennent de mettre finà presque cinq mois de grève. L’IA inquiète aussi les acteurs, également, en grève. Le syndicat américain des acteurs évoque un « combat existentiel » pour la profession.Et les artistes hollywoodiens ont reçu le soutien de la Fédération internationale des acteurs.

Car de faux comédiens générés par intelligence artificielle, ce n’est plus vraiment de la science-fiction. L’identité des stars peut même être détournée. Tom Hanks vient de dénoncer une publicité utilisant une « version IA » de lui.

Côté musique, la voix de certains artistes a été « copiée ». Par exemple, celles deDrake et The Weeknd ont été imitées par l’intelligence artificielle pour faire croire à un duo.Heart on my Sleeve a eu du succès sur internet, beaucoup moins auprès d’Universal.La maison de disques qui représente les deux artistes a fait retirer le morceau des plateformes musicales.

Certains voient une opportunité
L’IA inquiète autant qu’elle fascine. Bien qu’il soit favorable à une « logique défensive » pour protéger notamment les auteurs, le PDG de TF1a récemment insisté sur les bénéfices potentiels des nouvelles technologies. Elle pourrait aider sur certains aspects de la production des fictions comme les effets spéciaux.

Et Rodolphe Belmer espère que cela permette de rivaliser avec les géants américains malgré « des budgets européens ». Pas sûr que l’idée réjouisse tous les professionnels du secteur.

rfi

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