Madagascar : un rassemblement de l’opposition dispersé à coups de gaz lacrymogènes

Les forces de l’ordre malgaches ont tué dans l’œuf un rassemblement de l’opposition lundi dans la capitale Antananarivo, à quelques semaines de la présidentielle, tirant des gaz lacrymogènes sur des candidats rivaux du président sortant, Andry Rajoelina.

Les préparatifs en vue du premier tour du scrutin prévu le 9 novembre sur la grande île de l’océan Indien se déroulent depuis plusieurs semaines dans un climat dégradé, l’opposition dénonçant une machination du pouvoir tendant à favoriser M. Rajoelina.

Onze candidats de l’opposition, dont l’ex-président Marc Ravalomanana, avaient appelé à se rassembler en début de matinée sur la place du 13 Mai, théâtre de toutes les contestations politiques de Madagascar, « pour faire entendre nos voix ».

Rejoints par quelques centaines de soutiens, plusieurs d’entre eux avançaient en tête de cortège peu avant 09H00 GMT, lorsque les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes, à environ 300 mètres de la place centrale d’Antananarivo. Certains ont répliqué avec des jets de pierres.

L’ex-président Ravalomanana a été escorté par ses gardes du corps dans la cour d’un immeuble, a constaté une journaliste de l’AFP: « Ils sont fous, ce comportement des militaires est dangereux. Mais ils ont reçu des ordres », a-t-il tempêté.

Le rassemblement de l’opposition n’était pas autorisé par la préfecture. Plusieurs centaines de policiers, gendarmes et militaires avaient bouclé la place depuis le début de matinée. Les autorités avaient interdit un précédent rassemblement vendredi.

Après les tirs de gaz, les rues se sont vidées et les opposants ont quitté les lieux. Une forte présente policière a cependant été maintenue.

Deux personnes ont été interpellées dont une portant une arme, a précisé lors d’une conférence de presse Tojo Raoilijon, à la tête des forces d’intervention. Selon des sources policières, la personne arrêtée pour port d’arme est un garde du corps de Ravalomanana.

Deux autres ont été blessées: « Des choses qui arrivent dans des échauffourées », selon M. Raoilijon.

« Pas de crise »

« Le gouvernement provisoire à la botte de Rajoelina veut aveugler les oppositions avec des gaz lacrymogènes. C’est notre démocratie qui pleure », a dénoncé dans un communiqué le candidat de l’opposition, Siteny Randrianasoloniaiko.

Treize candidats sont en lice pour la présidentielle, dont Andry Rajoelina, 49 ans, qui avait accédé au pouvoir en 2009 à la faveur d’une mutinerie chassant Marc Ravalomanana. Interdit de se présenter par la communauté internationale en 2013, M. Rajoelina avait été élu en 2018.

Le mois dernier, dix candidats de l’opposition ont dénoncé « un coup d’Etat institutionnel » orchestré selon eux par M. Rajoelina, après une série de décisions de justice contestées.

Le 9 septembre, conformément à la Constitution en période électorale, M. Rajoelina a cessé d’exercer le pouvoir. L’intérim devait normalement être assuré par le président du Sénat, qui a cependant décliné pour « raisons personnelles ».

La Haute cour constitutionnelle a nommé un « gouvernement collégial » dirigé par le Premier ministre Christian Ntsay, un proche du chef de l’Etat.

Le même jour, la plus haute juridiction du pays a rejeté trois recours de partis d’opposition réclamant l’invalidation de la candidature de Rajoelina « pour défaut de nationalité malgache ». Fin juin, des informations divulguées dans la presse ont révélé que le président avait été naturalisé français en catimini en 2014, déclenchant une polémique dans le pays.

Dimanche soir, M. Rajoelina a contre-attaqué, réaffirmant sa volonté de voir le scrutin se dérouler aux dates prévues.

« Il n’y a pas de crise à Madagascar. C’est une crise créée de toutes pièces », a-t-il martelé lors de son allocution diffusée sur plusieurs chaînes, ajoutant: « Ce n’est pas 10 ou 11 personnes qui vont empêcher la population d’exercer son droit » de vote.

L’Union européenne et les Etats-Unis ont déclaré le mois dernier suivre avec « la plus grande vigilance » la préparation de la présidentielle.

AFP

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