«L’Afrique stimulera toute l’économie mondiale», croit Abebe Sélassié, directeur Afrique du FMI

Le FMI et la Banque mondiale sont en Assemblées annuelles toute la semaine à Marrakech. Deux institutions scrutées de près, souvent critiquées pour les politiques d’austérité qu’elles imposent. Le Fonds monétaire international est très attendu à Marrakech sur la question de l’aide aux pays endettés. Abebe Sélassié, le directeur Afrique du FMI, répond aux questions d’Alexis Bédu.

RFI : Les Assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale ont débuté ce lundi 9 octobre à Marrakech, dans un contexte toujours très difficile pour les pays africains. Inflation, explosion de la dette publique, manque de financements… Au moment d’aborder ces Assemblées, est-ce qu’il y a vraiment des motifs d’espoir ?

Abebe Sélassié : Les deux dernières années ont été très difficiles pour la plupart des pays en Afrique. Ce n’est pas très surprenant étant donné la gravité des chocs exogènes qui ont touché ces pays. La pandémie de Covid-19 a été rapidement suivie de nombreuses perturbations sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui a fait grimper les prix.

Et puis, comme si tout cela ne suffisait pas, il y a eu l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a encore une fois été un choc sismique dans l’économie mondiale et qui a eu des répercussions sur les pays africains : l’augmentation des prix du carburant et des prix alimentaires.

Mais nous observons encore beaucoup de résilience sur le continent, en particulier dans le secteur privé. Nous prévoyons d’ailleurs une reprise de la croissance en 2024.

Je crois que l’Afrique stimulera l’économie mondiale compte tenu de la dynamique démographique, mais aussi des possibilités de rattrapage. En Afrique subsaharienne, les perspectives de croissance sont énormes. Donc, je suis optimiste.

Une Afrique « résiliente », qui bénéficie « d’un fort potentiel de développement », ces mots sont prononcés chaque année, à chaque grand rendez-vous économique, et pourtant, la dette se creuse, le fossé entre les pays en termes de développement s’agrandit, qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?

Il y a deux ou trois choses que les gens négligent lorsqu’ils font valoir ce point. D’abord, je pense que si nous examinons un ensemble plus large d’indicateurs de développement, et pas seulement le revenu par habitant, nous voyons une transformation énorme. L’espérance de vie, la mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle : ce sont des indicateurs fondamentaux de développement. Au cours des 25-30 dernières années, il y a eu une énorme transformation, une énorme réduction de l’écart par rapport aux pays avancés.

Alors concernant la dette. Pourquoi augmente-t-elle ? Les pays ont fait beaucoup d’investissements. Dans l’infrastructure, l’éducation, le sanitaire… Des investissements qui étaient nécessaires. Mais l’aide étrangère étant moins disponible, une bonne partie des pays africains ont dû emprunter au prix du marché, ce qui a conduit à l’augmentation de la dette. Ces pays doivent faire plus… après avoir beaucoup investi, ils doivent chercher un retour sur investissement via le régime fiscal.

Quelle situation vous inquiète particulièrement ?

Une des questions sur lesquelles nous travaillons très activement avec les décideurs à l’heure actuelle est, bien sûr, la façon dont nous pouvons les aider à traverser cette difficile période de manque de financement. C’est un défi très important pour la plupart des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales qui sont à Marrakech cette semaine.

La solution nécessitera des restructurations de dette. Des pays comme le Ghana et la Zambie sont passés par là. Dans d’autres cas, je pense qu’un financement important est nécessaire POUR soutenir les réformes, et c’est là que la communauté internationale doit intervenir.

En avril, 45 ministres africains des Finances appelaient à une réforme du système des DTS (les Droits de tirages spéciaux alloués par le FMI), ils critiquent une répartition injuste. Y a-t-il eu des avancées ?

D’autres réformes sont-elles nécessaires ? Doit-on faire plus ? Absolument. Nous allons nous pencher lors des réunions annuelles sur la mobilisation de ressources pour notre programme sur la réduction de la pauvreté et la confiance dans la croissance. Avec de nombreux pays de la région, nous avons des discussions actives, afin que les donateurs, la communauté internationale, puissent mettre plus de ressources afin que nous puissions continuer à accorder des prêts à taux zéro sur le continent, ce dont nous avons désespérément besoin.

Y a-t-il eu des résultats concrets après les engagements du dernier sommet de Paris ?

On est quasiment au chiffre de 100 milliards de DTS qui était annoncé. Ils sont allés sur deux de nos programmes. Il y a eu énormément de progrès.

La situation au Niger. Un financement de 131 millions de dollars avait été approuvé en juillet. Avant le coup d’État. La Banque mondiale a suspendu ses versements. Est-ce le cas du FMI ?

Bien sûr. Il y a un programme pour le Niger, mais depuis le coup d’État en juillet, nous n’avons décaissé aucun fonds. Il faudra une entente avec un gouvernement officiellement reconnu avant de pouvoir avancer.

rfi

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